12 clés pour comprendre
le monde asiatique
de Pierre Tuvi
Editions du Dauphin, 2013
J’ai fait la connaissance de Pierre
Tuvi lors d’un séminaire interculturel qu’il animait et que j’ai eu la chance
de suivre à l’occasion de l’expatriation professionnelle de mon mari au Japon.
Je l’ai donc écouté avant de le
lire ! Et j’ai vite été séduite par ses connaissances internationales, sa
finesse des relations interculturelles et son sens du management.
C’est donc tout naturellement, alors
que je « teste » certains de ses préceptes, lors de ma nouvelle vie
au Japon, que j’au eu envie de vous faire profiter de ma lecture de son livre 12 clés pour comprendre le monde asiatique.
Ma lecture portera d’ailleurs une
attention particulière, pour ne pas dire exclusive, aux passages concernant la
civilisation japonaise que l’auteur connaît très bien de par ses origines
franco-japonaises, et que je découvre aussi au quotidien.
Mais il est à noter que ce livre
aborde aussi le contexte culturel de la Chine, l’Indonésie, la Corée, l’Inde,
la Malaisie et la Thaïlande.
Il me semble cependant que la
présentation de la culture japonaise est la plus perspicace et la plus
illustrée, sans doute en raison des origines franco-japonaises de l’auteur.
Note de l’auteur :
« Au cours de ma carrière,
j’ai fait plusieurs fois, le constat suivant : nombre d’échecs en matière
de partenariat dans le commerce international sont clairement dus à des
incompatibilités culturelles. L’inverse est vrai aussi : les alliances
internationales réussies, généralement, sont basées sur un bon travail, parfois
titanesque, de compréhension interculturelle. »
Préface : le management interculturel, introduction et application
pratique :
« Un jour, mon père, qui vit
au Japon depuis maintenant plus de 40 ans, me raconta une anecdote amusante. Il
venait d’arriver à Tokyo, pour assouvir sa passion des arts martiaux. C’était
dans les années 70. Il y avait à l’époque, très peu de ressortissants français
au Pays du Soleil Levant. Mon père venait de retrouver un ami français qui, lui
aussi avait pris l’initiative de s’exiler en Extrême-Orient…retrouvailles
chaleureuses et tout et tout, au bout du monde. C’est alors qu’ils prennent le
train dans Tokyo pour aller chez l’ami en question. Une fois dans le train, la
conversation s’anime, et l’ami de mon père, qui a rarement l’occasion de parler
français, devient prolixe, et se répand en constats et description sur le Japon,
pays tellement unique, spécial. Mon père renchérit, se lâche et déballe ses
premières impressions sur le Japon et les Japonais…
Il y eut du bon et du mauvais. Les Japonais sont très polis, très sympas,
mais par contre on ne sait jamais ce qu’ils pensent. Remarque avec leurs yeux
bridés, leurs expressions ne s’impriment peut-être pas bien sur leur
visage ! et Les Japonais qui ne disent jamais non ??? Ils m’énervent
avec leurs courbettes et leur politesse exagérée…Et voilà nos deux français
au bout du monde discutant avec emphase comme s’ils étaient seuls sur terre,
dans une rame de métro bondée, avec des Japonais discrets, calmes et
s’efforçant de rester immobiles afin de ne pas empiéter sur l’espace vital de
leurs voisins. (…)
Le métro arrive à la station
Harajuku. Beaucoup de gens descendent. Mais voilà que l’une des dernières
personnes à descendre, un homme d’affaires japonais en costume se retrourne
vivement à la dernière minute, et, dans un Français à l’accent japonais mais
avec une grammaire impeccable, lance sévèrement à nos deux Français : Vous devriez faire attention à ce que vous
dites. Surtout quand vous n’êtes pas chez vous. Ici, c’est vous les gaijins. »
L’interculturel commence là. Quand
on prend conscience, comme une douche froide, qu’à l’étranger, hors de son
milieu culturel, on ne doit pas se croire tout permis.
Le début et le fondement du
management interculturel, c’est cette prise de conscience : réaliser que
dans un pays étranger, ou dans un contexte étranger, ce ne sont pas les autochtones
qui sont étrangers, mais bien vous qui êtes étrangers dans un milieu normal.
Vos valeurs, vos manières, votre
code et votre langue sont étrangers et vous devez les valoriser tout en
respectant les paramètres locaux.
Introduction :
Le management interculturel n’est
pas une science abstraite. On ne peut pas théoriser complètement une pratique
qui tire son essence de matériaux sans cesse en mutation, à savoir les cultures
d’entreprise ou les cultures tout simplement.
Par contre on peut définir un certain
nombre de clés qu’il faut enrichir de faits et d’informations tangibles,
permettant d’analyser les situations interculturelles que l’on peut
expérimenter dans différents pays.
1ère
partie
Jeux de
valeurs, mentalités et modes de communication dans les cultures asiatiques
1- les paramètres fondamentaux de l’existence : le temps et l’espace
La culture
japonaise diffère totalement des cultures du sud-est asiatique pour ce qui est
des perceptions spatio-temporelles.
Le Japon
est un pays minuscule, sans ressources, montagneux à 70% avec environ 127
millions d’habitants.
A Tokyo la
densité de population dépasse les 9000 habitants par km2
Et pourtant
le Japon est la 3ème puissance économique du monde.
Pour les
Japonais, le Japon est le pays de l’harmonie et la notion de WA, harmonie en
Japonais est omniprésente.
Il y a toujours eu au Japon ce souci
de conservation d’un certain équilibre, social, politique, ou spirituel.
On peut interpréter ainsi la
conservation incontestée du système impérial comme le souci d’équilibrer
l’instabilité politique du pays par une présence fédératrice, une lumière
spirituelle, le souci de contrebalancer le chaos par l’unité.
Cette notion d’harmonie a permis au
japon, après la seconde guerre mondiale, de se structurer et de bâtir une
société paisible et ultra-organisée.
Le respect du WA associé aux
contraintes géographiques et d’organisation ainsi qu’aux contraintes
naturelles, a poussé le raffinement à l’extrême en matière de protocole de
communication et de politesse et a forgé une société collectiviste basée sur le
respect de l’autre.
Le Japonais se doit donc de
respecter une série impressionnante de code, de protocoles de paroles et de
gestes, dans des contextes formels. Il trouve son équilibre dans la capacité à
se lâcher complètement une fois sortie de ces contextes formels.
Ainsi le KEIDANREN, sorte de MEDEF japonais, publie un manuel de bonne
conduite pour les jeunes salarymen débutant leur carrière.
On y apprend notamment :
-
la
disposition d’installation des passagers dans une voiture : le plus jeune,
généralement celui qui a le moins de responsabilités, est devant à côté du
conducteur, l’invité derrière le siège du passager avant et le plus âgé ou celui
ayant le plus de responsabilité à côté de l’invité.
Cet état de fait oblige les membres
d’un même groupe, par exemple l’entreprise, à agir avant tout pour leur
collectivité et à rendre prioritaire la survie du groupe et non celle de
l’individu.
Dans le même esprit, l’organisation
des logements japonais est avant tout collective. La chambre à coucher devient
le séjour lorsqu’on a replié les futons dans un placard. Les espaces privés des
individus qui cohabitent s’entremêlent.
La gestion du temps au Japon est
également très rigoureuse.
Un problème de transmission de
documents informatifs ou le non respect d’un délai peuvent mettre fin à un
partenariat professionnel.
Au Japon, dans les contextes
professionnels, le temps est un cadre extrêmement, une entité objective
séquentielle à forte tendance monochronique.
La ponctualité et l’organisation du
temps sont donc des qualités professionnelles importantes au japon.
2- Les mentalités et les mécanismes de pensée
Les Français ont l’esprit implicite,
conceptualisant, déductif.
L’esprit implicite fait le tri,
coordonne les informations, a la faculté de bâtir un système logique à partir
d’informations éparses en écartant les points mineurs…
Les Japonais ont au contraire
l’esprit explicite ou inductif, démarche que l’on qualifie souvent de comptes
d’apothicaires : précisions, détails, exhaustivité…
Le Japonais répertorie toutes les
informations disponibles même mineures avant tout travail d’analyse.
Cela suppose, lorsqu’on travaille
avec des Japonais, de :
-
préparer
les réunions et rencontres en amont en anticipant les questions
-
illustrer
ses propos à l’aide d’exemples et éviter les informations trop conceptuelles
-
aller
du détail au général lorsqu’on fait une présentation
3- Les modes de communication et les langues
Les Japonais pratiquent en
permanence la communication non verbale. La complexité des relations
protocolaires et le souci de préservation de l’harmonie créent au Japon des
conditions de communication basées sur un subtil mélange de paroles et de
non-dits qui ont généralement pour objectif de faire parler l’autre, sans
prendre l’initiative.
Certaines expressions de la langue
japonaise illustrent bien l’importance accordée aux moments non-verbaux, aux
moments de silence.
Etre KIKI-JOZU = celui qui est
capable de bien écouter
Cette capacité est très valorisée au
Japon.
On distingue 3 modes de
communication :
-
séquentiel
( Corée, Malaisie, Indonésie par exemple ). Les participants parlent l’un après
l’autre sans se couper la parole.
-
Simultané
( Chine, Inde par exemple ) Tous les participants parlent en même temps sans se
soucier de l’organisation de la discussion.
-
Intermittent
( Japon ) Les discussions sont ponctuées par des mots signifiant l’approbation
et l’intérêt que l’on porte à la conversation. AIZUCHI en japonais qui signifie
petits coups de marteau
La communication écrite en Japonais
suppose l’assimilation de 2136 idéogrammes. Les détails ne font donc pas peur
au Japonais dont l’éducation est basée sur un travail de mémorisation
exhaustive.
En France au contraire, on développe
l’esprit de synthèse et la critique.
Dans le contexte professionnel, cela
suppose avec des Japonais de faire très attention au signes non-verbaux( BODY
LANGUAGE ), de s’assurer constamment de la bonne compréhension des questions et
des consignes, de ne pas interrompre son interlocuteur, préférer les schémas et
les tableaux aux textes.
2ème
partie
Comportements
et réflexes au quotidien et dans l’univers professionnel
Quand il s’agit d’approcher un
nouveau marché à l’international, pour y vendre, acheter, investir, il est
fondamental de bien comprendre au préalable son environnement des affaires et
ses difficultés interculturelles. En grillant des étapes, on s’expose à des
risques et à des échecs à moyen et long termes.
1- L’amont des négociations dans la gestion d’un projet mené en Asie :
comprendre le marche, l’entreprise type et la mentalité locale.
Au Japon, plus de 5 générations
cohabitent . Comme dans tout pays collectiviste, les jeunes générations
qui n’ont pas été à l’origine de la construction actuelle nourrissent un esprit
de rébellion, de changement et souhaite adopter un comportement plus
individualiste.
Le fossé des générations se
creusent.
Le vendeur étranger qui souhaite
s’implanter au Japon doit donc élaborer une stratégie diversifiée.
On distingue :
-
la
génération des DANKAÏ, babyboomers en Japonais, véritables samouraïs qui ont
reconstruit le Japon dans les années 70
-
la
génération des SHINSEDAI, nouvelle génération en japonais
-
la
génération des TEENS, qui préfère le monde virtuel au monde réel
Dans une entreprise japonaise, un
bon élément est un employé capable de bien communiquer en interne, de respecter
les procédures, de comprendre le sens hiérarchique de l’entreprise, avec une
intelligence sociale développée.
2- La phase de négociation : maîtriser le rythme de la négociation et
le mécanisme de prise de décision
D’une façon
générale, le rythme de négociation semble plus lent en Asie et moins rythmé
qu’en Occident.
En fait il
est surtout différent.
Au Japon, le rythme de la
négociation insiste sur une certaine construction relationnelle.
On parle de personnalisation des
affaires BUSINESS INDIVIDUALIZATION.
En Asie, il s’agit d’abord de
valider la moralité du partenaire potentiel avant tout projet concret.
Ainsi l’importance accordée à la
partie relationnelle des affaires provoque un rallongement de la phase initiale
de la négociation.
Au Japon, la plupart des entreprises
ont tendance à gérer leurs ressources sur deux principes : l’emploi à vie
et la promotion à l’ancienneté.
Avant toute prise de décision au
Japon, il y a une phase d’uniformisation des opinions, de sondage interne. On
appelle cela le NEMAWASHI
( littéralement tourner autour du
pot )
La prise de décision doit pour le
japonais être consensuelle.
Il ne faut donc pas hésiter à
s’investir dans les relations extra professionnelles, et s’assurer tout au long
du processus du soutien des cadres décideurs.
3- L’aval des négociations : apprécier les us et coutumes du pays hôte
Le respect des traditions locales
est fondamental.
Par exemple, début avril, au Japon,
les cerisiers en fleur sont une véritable institution
On appelle HANAMI la contemplation
des fleurs
Il serait mal venu pour un
partenaire étranger de programmer cette semaine-là des journées de travail trop
chargées.
ANNEXE : Le Japon, l’empire des
signes
La culture
japonaise très codifiée est par excellence celle de l’harmonie. Le respect de
l’harmonie, recherchée en permanence dans les relations socioprofessionnelles,
la communication et la vie courante, est la valeur morale la plus ancrée chez
les Japonais.
On peut
citer aussi dans les autres valeurs fortes : le respect de la hiérarchie,
le sens du détail, l’humilité et l’effort dans le travail.
1- la valorisation du travail
L’individu
se définit par le travail et par son appartenance à une communauté productive,
l’entreprise.
L’une des
conséquences de cette forte valorisation du travail est l’implication de
l’individu dans la vie de l’entreprise, un nombre d’heures de travail
impressionnant, au détriment de la vie familiale.
2- le « long-termisme »
Les
prospectives d’entreprise peuvent couvrir les 4 ou 5 années à venir.
3- le leader démocrate
Les
qualités premières d’un dirigeant au Japon sont : l’écoute, le
paternalisme, sa capacité à faire adhérer à la vision sociale de l’entreprise,
sa discrétion
4- le perfectionnisme
Le Japon se
focalise sur les points critiquables et donc perfectibles.
5- le poids hiérarchique
La
soumission sans condition à un maître remonte à l’héritage des samouraïs.
Cette
dimension impacte le fonctionnement managérial des entreprises japonaises qui
sont très pyramidales.
L’organisation
de l’espace de travail le plus souvent en open space respecte la hiérarchie et
le japonais aura toujours tendance à se référer à sa hiérarchie avant toute
action décisive.
6- le collectivisme
L’individu au Japon se définit par
rapport au groupe auquel il appartient. Ses performances, ses résultats, ses
actions sont toujours le fruit d’efforts collectifs.
Cette dimension influence beaucoup
les modes de management.
Valoriser un individu en particulier
va à l’encontre de la culture japonaise.
Les objectifs individuels sont donc
rares.
7- La pensée inductive
Un sens extrême du détail.
Un degré minime d’acceptation de
l’incertitude.
Planification, anticipation et
organisation sont les maîtres mots.
Pour plus d’informations
sur ce livre, n’hésitez pas à me contacter…
Nathalie
Merci Nathalie pour votre intérêt! Amitiés. Pierre Tuvi
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