Bienvenue

Chers amis du monde entier,
Bienvenue sur mon Bloc Nat, un espace de découverte et de partage.
J'ai conçu ce blog comme un mille feuille de mes passions, à la fois musée et bibliothèque virtuels et vivants, que j'ai eu le plaisir de partager avec le public japonais lors de mes interventions à l'Institut Français du Japon à Tokyo pendant 5 ans.
Mon objectif ? Vous communiquer le désir et le plaisir d'apprendre et d'échanger ...au-delà des frontières.

Dear all,
Welcome on my Bloc Nat, a special space for shared discoveries.
I created this blog as a "mille feuille" of my passions, both virtual museum and library during my work at French Institute In Japan, Tokyo, during 5 years. My goal is to inform you of desire and love of learning... beyond borders. Enjoy with me !

Avril 2019 : changement de cap !
Je mets dorénavant toute mon énergie bénévole au service de l'Association Du Mont Brouilly au mont Fuji. Retrouvez mes conseils de lecture sur le site internet de l'association : www.brouilly-fuji.com

April 2019 : I change !
I now put all my volunteer energy into the association Du mont Brouilly au mont Fuji.
Find my reading tips on the website of the association : www.brouilly-fuji.com

See you !

vendredi 8 janvier 2016

28 jours au Japon avec Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir


28 jours au Japon
avec J.P. Sartre et S. de Beauvoir.
De Asabuki Tomiko



Vingt-huit jours au Japon avec Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir

(18 septembre - 16 octobre 1966)


L'automne 1966 est une époque marquée par l'intervention américaine au Viêt Nam mais correspond aussi au voyage de Jean-Paul Sartre et de Simone de Beauvoir. En cette période d'interrogation existentielle, les femmes japonaises tendent à s'émanciper et voient en Simone de Beauvoir un modèle envié et admiré.
Ce livre retrace au jour le jour les découvertes faites lors de leur séjour par les deux écrivains : monuments, sites, mais aussi le quotidien des Japonais, leurs divertissements et leurs tâches.
Quarante-cinq photos illustrent ce récit. Tomiko Asabuki a revu et augmenté le texte pour le public français. S'y ajoutent une contribution de Takeshi Ebisaka sur l'influence de Sartre au Japon et une importante bibliographie mettant en évidence le retentissement de cette visite.
Titre original : Sartre, Beauvoir to no 28 nichi kan Nihon, éd. Dohosha, Kyoto, 1995.

J’ai découvert l’existence de cet ouvrage en préparant un exposé sur les mots de JP Sartre pour des lectrices japonaises et à l’occasion d’un long séjour personnel au Japon.

Ce livre est une sorte de compte rendu du voyage que Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir ont fait au Japon entre le 18 septembre et le 16 octobre 1966.
Il pourrait être un simple récit de voyage mais il est bien plus que cela, surtout lorsqu’on le lit  près de 50 ans après les faits.
Ce récit écrit en 1996 est un témoignage direct  de l’expérience japonaise de deux monstres de la littérature que l’on découvre autrement à travers leur quotidien de touristes peu ordinaires !
Le texte est écrit par Asabuki Tomiko qui fut leur accompagnatrice et amie, avant, pendant et après leur séjour.


Asabuki Tomiko a passé vingt-huit jours au Japon avec Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir et environ trois quarts de siècle sans eux. Les Sartre sont restés au Japon du 18 septembre au 16 octobre 1966, en pleine gloire; là-bas, on les comparait à des «Beatles du savoir». Tomiko, c'est son prénom, y fut leur groupie, leur guide, leur interprète, leur amie, indulgente et attentionnée. Elle les connaissait déjà car elle est la traductrice des Mémoires d'une jeune fille rangée, de la Force des choses, de la Femme rompue, elle a mis presque trente ans à se décider à raconter ce voyage, et son récit est confit par le temps jusqu'à la quasi-béatification des personnages.
Asabuki Tomiko, mariée à un ingénieur français, aime la France depuis son adolescence. A Tokyo sa maison de Shirokanedaï a été épargnée par les bombardements américains. Elle est issue d'une famille aristocratique. Son grand-père était le numéro 2 du trust Mitsui, il épousa la nièce de Yukichi Fukuzawa, un des penseurs du Japon moderne qui lutta pour l'abolition des castes, mort en 1901 et vivant à jamais dans le coeur et le portefeuille des Japonais puisque son visage illustre les billets de 10 000 yens.
La jeune Tomiko se marie à 17 ans et débarque à Paris pour y recevoir le choc de sa vie: «La voix de Louis Jouvet, c'était en 1937, je ne savais pas le français (j'avais une gouvernante anglaise); mon frère, qui travaillait à Paris, m'emmena au théâtre, et entendre cette langue dite par cette voix, j'ai immédiatement compris que le français serait ma vie.» Asabuki Tomiko, la voix de Jouvet dans l'oreille, rentre au Japon (trente-six jours de bateau) afin de divorcer de ce jeune homme de bonne famille qui lui avait permis de quitter la sienne.
Et revient en France aussi sec (trente-six jours de bateau) au collège de Bouffémont, en jeune fille rangée, pour trois années, dans cette institution laïque et bien élevée où l'on parle si bien la langue de Louis Jouvet. Tomiko y récite des vers français en attendant de les comprendre. Puis elle prend une chambre en ville. Elle rencontre Vildrac, Duhamel, Rolland, et les autres. En jeune fille aisée, il lui paraît naturel de ne pas travailler. Mais la guerre met le Japon à genoux, les Américains laminent par l'impôt les grandes fortunes. Asabuki Tomiko, qui est rentrée en 1945, connaît l'inconfort de devoir se nourrir. Son frère Sankichi, le francophile, se met alors à traduire du français à tour de bras, «pour le bol de riz», Jean Genet, Cocteau, et, plus tard, Beauvoir (les Mandarins, la Vieillesse). Après un nouveau mariage et un nouveau divorce, Tomiko retourne à Paris en 1950.
Cette fois-ci, elle est pauvre, elle vend ses habits, se met à écrire pour des journaux japonais, puis à traduire: «Mon premier livre fut Je suis couturier par Christian Dior, puis Bonjour tristesse qui connut un grand succès au Japon»; elle poursuit avec Camus, d'autres Sagan, rencontre enfin Louis Jouvet et peut lui dire quel virage il lui fit prendre. Elle se rendra à son enterrement («Il m'a écrit une semaine avant sa mort»). Mishima pousse Tomiko à écrire des nouvelles sur la France, elle s'y résigne, ce sera les Hommes de Paris, 42 portraits, 42 rencontres: «Jouvet, bien sûr, Sartre, Giacometti, et mon plombier, mon épicier.»
Mais la grande affaire littéraire de la vie d'Asabuki Tomiko, c'est cette amitié avec Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir, cette admiration plutôt, cette fidélité racontée dans le livre par le menu (à Sartre le poisson cru donne la nausée), eux qui l'encouragèrent à écrire un roman. Elle le fit: Asako parut au Japon avec succès en 1977 et fut traduit en français en 1992 aux éditions Côté femmes: «En japonais le livre s'appelle l'Autre Côté de l'amour, parce qu'au Japon il faut toujours mettre le mot amour dans un titre.»

Préface de Richard Chambon

«  Mars 1993, mon premier séjour au Japon. Mon amie Asabuki Tomiko m’accueille à Tokyo, dans sa belle maison de Shirokanedai.
Quelques jours plus tard, à la gare de Tokyo, Asabuki Tomiko et moi nous pressons, haletants, vers ce train que nous prendrons si les dieux tutélaires qui président aux voyages nous sont favorables. C’est une fois apaisés par le confort du compartiment et sur le point d’inaugurer ce périple qui, via Kyoto, va nous mener à Nara, l’ancestrale capitale, puis à Isé, ouverte sur le grand univers blond et bleu du pacifique, qu’Asabuki Tomiko me raconte – ou plutôt me conte, tant l’évocation est ici source de rêve – ce lundi 26 septembre 1966 quand, depuis cette même gare de Tokyo, dans un Shinkansen semblable au nôtre, débuta son voyage à travers le Japon en compagnie de Jean-Paul Sartre et de Simone de Beauvoir : ce jour-là, ils n’étaient pas à l’heure, eux non plus. Mais Sartre et Beauvoir étant des invités de marque, on retarda le départ du train de près de trois minutes afin de les attendre. Qui sait combien les Japonais tiennent à l’honneur d’être ponctuels et de respecter l’engagement moral implicite à tout règlement administratif entendra le caractère exorbitant d’une telle dérogation à la tradition. »

Témoignage d’Hélène de Beauvoir

« Sartre rêva longtemps d’aller au Japon. Après son agrégation, il demanda un poste à Kyoto.
Le poste lui fut refusé, ce qui fut pour lui une grande déception. Ce fut grâce à l’université de KEIO et à son éditeur Jimbun-shoin qu’il put réaliser son rêve, 37 ans plus tard.
J’étais harcelée par des femmes qui voulaient faire la connaissance de Simone et, en général, je me récusais. Quant à Tomiko, elle était trop discrète pour demander. Mais quand je sus qu’elle commençait à traduire les œuvres de ma sœur, je trouvai naturel d’organiser une rencontre. Une grande sympathie réciproque naquit aussitôt et leur amitié dura toute la vie de Simone. Sartre ne tarda pas à la partager.
Trois ans plus tard, en 1966, l’université KEIO et les éditions Jimbun-Shoin leur organisèrent trois conférences au Japon. Tomiko leur montra elle-même son pays. Ils se mirent en route au cours d’un typhon, le 18 septembre, et n’en firent pas moins un merveilleux voyage qui les mena du haut lieu du boudhisme, Koyasan, à Shima, l’île des perles, et jusqu’à Nagasaki et Hiroshima après une croisière dans la mer intérieure. Ils furent sensibles à la beauté de l’art japonais, , des temples et des statuettes funéraires en particulier ; Simone, plus que Sartre, à celle des paysages. Tous deux apprécièrent le charme de la vie quotidienne et la grâce des Japonaises. Ils eurent la chance d’assister à une représentation de , et furent conquis. L’unique chose qu’ils ne surent pas apprécier au Japon fut la nourriture. »

Avant-propos de Asabuki Tomiko

L’auteur raconte comment elle a fait la connaissance de Simone de Beauvoir d’abord, chez sa sœur Hélène lors d’un repas puis de Sartre, trois ans plus tard en 1966.
«  Dès que j’eus serré sa main forte et trapue, gaucherie et tension ont disparu pour faire place à un sentiment de légèreté et d’allégresse. »


« Lorsqu’ils m’ont demandé de les accompagner pendant les deux semaines de voyage privé qui devaient suivre, j’ai un peu hésité. Je craignais de rester tout ce temps avec des personnalités d’une telle envergure : un génie, philosophe mondialement connu, et l’auteur du deuxième sexe. Mais, tout bien réfléchi, je me suis dit que c’était une chance rare que d’avoir l’occasion de voyager en compagnie de ces grands écrivains, et j’ai accepté. »

«  Poussée par mon ami poète Richard Chambon, je me suis décidée, trente ans après, à raconter leur voyage au Japon. J’ai pensé qu’il était de mon devoir de laisser un document qui retrace leur façon d’être, ce qu’ils ont dit, et qui témoigne aussi de toute la chaleur humaine dont ils ont fait preuve pendant leur séjour. »

Extraits choisis :

«  Nous nous rendons ensuite à GINZA et, pour avoir d’un coup une vue d’ensemble de la vie réelle des Japonais, nous entrons dans un grand magasin. Mon frère escorte Sartre et c’est moi qui répond aux questions de Beauvoir. La beauté des tissus de crêpes peints à la main, les kimonos à manches longues ou courtes la retiennent quelque temps, mais leur coût la surprend beaucoup. »



« Nous marchons au hasard dans les ruelles de Shinjuku quand soudain, venu de la droite, un jeune homme de haute taille, vêtu d’une chemise à carreaux, offre à Beauvoir deux fleurs rouges. Surprise par un événement aussi insolite, les joues écarlates, elle soufflle : « Merci.Merci » Et son admirateur, sans rien demander, disparaît dans l’ombre comme il était venu.
Quelques instants plus tard, c’est le tour d’une jeune fille qui, s’approchant de Sartre, lui tend un sac de gâteaux et, pendant que celui-ci la remercie, lui saisit la main et y dépose un baiser, nous laissant ébahis devant ce happening imprévu. La jeune fille partie, Sartre dit en plaisantant : «  Alors, j’ai vraiment l’air d’un pape ? »
Tous deux sont réellement heureux des marques de sympathie que leur prodigue la jeunesse. Les livres de Sartre et les recherches faites sur son œuvre comptent, au Japon, plus de lecteurs que dans n’importe quel autre pays du monde. »



« On peut remarquer que dans leur logis japonais, ils ont transporté leurs bureaux dans une seuls pièce où ils lisent et rédigent leurs manuscrits, parfois face à face, parfois en séparant leurs deux tables. Lorsqu’ils sortent, c’est toujours ensemble. Sartre est totalement dévoué à Beauvoir et elle prend toujours grand soin de la santé de Sartre. Chez un couple déjà âgé ( 61 et 58 ans ), ces prévenances mutuelles ont quelque chose de juvénile et de touchant, c’est en tous cas le sentiment de ceux qui leur servent de guides pendant ce voyage. »
« Après les conférences, nous allons visiter le temple de Kiyomizu. Vu d’en bas ce splendide édifice avec sa charpente assemblée en échafaudage offre un aspect vraiment original. Des fidèles prient devant le temple, mais ni Sartre ni Beauvoir ne cherchent à imiter les gestes de la prières bouddhique comme le font souvent les touristes étrangers. Ils se contentent de regarder, du dehors, l’intérieur du temple.
Au retour, nous descendons en flânant la ruelle Sannei-Zaka. De chaque côté s’alignent de petites boutiques dans le style de Kyoto et chacune possède un attrait particulier. « C’est la plus jolie promenade de ma vie », murmure Sartre. »




Photos personnelles prises en octobre 2015. Rien n’a changé !


« A Nara, nous nous promenons dans le parc du sanctuaire de Kasuga et Sartre donne des biscuits aux biches qui se sont approchées. Dans le parc, un doux soleil filtre à travers le feuillage et Beauvoir sourit de contentement. »


Nara, photos personnelles, octobre 2015

« Mon frère et moi avons été sous le charme : celui de Sartre, mélange de chaleur humaine, de délicatesse, de tendresse, de conversation spirituelle et de cet art qu’il avait de mettre les autres à l’aise, et celui de Beauvoir, fait d’une vitalité débordante, d’une grande rapidité d’esprit alliées à une noble beauté. Tous deux étaient de merveilleux intellectuels français. 
Lors de leur séjour au Japon, tout les a passionnés, les choses comme les hommes, et ils se sont véritablement efforcés de les comprendre. Leur sincérité a touché de nombreux Japonais – et nous tout particulièrement, qui étions si proches d’eux. Ils se sont comportés si simplement qu’on en a oublié qu’il s’agissait de philosophes et d’écrivains mondialement célèbres.
Pendant notre voyage, nous avons toujours été parfaitement heureux et en totale communion d’idées. Combien nous étions gais !Comme nous avons ri de tout notre cœur ! L’expression moments de joie correspond tout à fait à ce que nous avons vécu ensemble. »

Ce modeste compte rendu de lecture ne vous dispense pas bien sûr de lire par vous-même cet excellent ouvrage, à la fois documenté, précis et touchant.
J’ai notamment aimé les remarques de Sartre sur les Japonais et leur téléphone ! L’écrivain avait remarqué à quel point il était possible de téléphoner partout au Japon, déjà à l’époque… Et c’était bien avant les téléphones portables du XXIème siècle que les Japonais ne quittent pas au bureau, dans le métro… Comme si la société japonaise depuis 1966, date de ce voyage de Sartre et Beauvoir, s’était figée dans ses paradoxes : entre tradition et modernité. Tout bouge au Japon, mais les contrastes sont toujours là.

Je vous laisse aussi découvrir l’épilogue où Asabuki Tomiko explique comment elle a appris et géré, comme elle a pu, la mort des ses célèbres amis.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Une remarque, un message, une question ? N'hésitez pas ! L'idée de partage qui anime ce blog commence par là.