Bienvenue

Chers amis du monde entier,
Bienvenue sur mon Bloc Nat, un espace de découverte et de partage.
J'ai conçu ce blog comme un mille feuille de mes passions, à la fois musée et bibliothèque virtuels et vivants, que j'ai eu le plaisir de partager avec le public japonais lors de mes interventions à l'Institut Français du Japon à Tokyo pendant 5 ans.
Mon objectif ? Vous communiquer le désir et le plaisir d'apprendre et d'échanger ...au-delà des frontières.

Dear all,
Welcome on my Bloc Nat, a special space for shared discoveries.
I created this blog as a "mille feuille" of my passions, both virtual museum and library during my work at French Institute In Japan, Tokyo, during 5 years. My goal is to inform you of desire and love of learning... beyond borders. Enjoy with me !

Avril 2019 : changement de cap !
Je mets dorénavant toute mon énergie bénévole au service de l'Association Du Mont Brouilly au mont Fuji. Retrouvez mes conseils de lecture sur le site internet de l'association : www.brouilly-fuji.com

April 2019 : I change !
I now put all my volunteer energy into the association Du mont Brouilly au mont Fuji.
Find my reading tips on the website of the association : www.brouilly-fuji.com

See you !

Maisons d'écrivains

Cette page s'adresse une fois de plus à mes auditeurs du club lecture de l'Institut Français de Tokyo, pour qui je suis allée spécialement sur place, dans ces maisons d'écrivains, pour rassembler de la documentation qui pourrait les intéresser. Cela a été un grand plaisir pour moi de leur présenter ce que j'avais trouvé.
1 - EMILE ZOLA
2- PAUL CLAUDEL
3- JULES VERNE
4- ALEXANDRE DUMAS
5- JEAN RACINE
6- JEAN DE LA FONTAINE


Les soirées de MEDAN d'Emile ZOLA



La maison musée d'Emile Zola


Paul Claudel, l'ambassadeur Poète ( 1868 - 1955 )

Paul Claudel est né le 6 août 1868 à Villeneuve-sur-Fère, petit village de Picardie.






Sa maison, juste à côté du presbytère où il est né, est destinée à devenir un musée .




Pour Paul Claudel et sa soeur Camille, Villeneuve-sur-Fère est le lieu de l'enfance et de l'imaginaire.

Ils aimaient notamment se promener tous les deux, dans la partie de la forêt que l'on appelle "la Hottée du diable", nom qui rappelle la légende selon laquelle le diable aurait laissé tomber dans cette zone ces gros morceaux de grès dont les formes suggestives ont inspiré plusieurs sculptures de Camille Claudel.




Les recherches que j'ai faites sur Claudel m'ont amenée à me pencher sur ses liens étroits avec le Japon et sur sa passion pour le pays du soleil levant.

C'est dans son oeuvre Connaissance de l'Est, que j'ai lu les plus belles et les plus fortes évocations de ce pays fascinant. Il faut dire qu'en tant qu'ambassadeur à Tokyo de 1921 à 1926, Claudel a été un témoin de premier plan de la culture japonaise mais aussi des séismes traumatisants qui secouent régulièrement l'archipel, et en particulier du séisme du Kanto de 1923.

Lisez plutôt :

L’Oiseau noir dans le soleil levant ( Extraits )


Le Japon est, plus qu’aucune autre partie de la planète, un pays de danger et d’alerte continuelle toujours exposé à quelque catastrophe : raz de marée, cyclone, éruption, tremblement de terre, incendie, inondation. Son sol n’a aucune solidité. Il est fait de molles alluvions le long d’un empilement précaire de matériaux disjoints, pierres et sable, lave et cendres, que maintiennent les racines tenaces d’une végétation semi –tropicale. Dès notre arrivée à Tokyo, accueillis par ces frissons de la terre, ces grondements sous nos pieds, ces conflagrations incessantes, nous avions compris de quel cyclope à demi endormi sous les feuillages et les fleurs nous étions les hôtes. Le Japonais, lui, ne perd jamais le sentiment du dangereux mystère qui l’entoure. Son pays lui inspire un ardent amour, mais non pas de la confiance. Il faut faire toujours attention. L’homme d’ici est comme le fils d’une mère très respectée, mais malheureusement épileptique. Il n’a trouvé qu’un moyen de sécurité sur son sol mouvant : c’est de se faire aussi petit et aussi léger que possible, mince, sans poids, presque sans place, mouche, fourmi. Sa maison est une caisse aux parois de papier. Ses trésors, il peut les tenir dans sa main, les cacher dans sa manche. Il est assis par terre. Il fait sa cuisine dans un trou, il y suffit d’un peu de grain et d’eau chaude. C’est ouvert autour de lui de tous les côtés. Dans l’universel déménagement auquel j’ai assisté, les gens sauvaient d’abord de leur maison les tatami ( nattes ) et les soshi ( cadres de papier ). Avec cela, quelques poteaux, quelques feuilles de zinc, on peut se blottir n’importe où, et y jouir d’autant de sécurité et de confort qu’une grenouille sous une feuille de nénuphar. Et comme le Japonais a  accommodé aux circonstances sa maison et son mobilier, il y a aussi accommodé son âme. Pendant ma longue marche de nuit entre Tokyo et Yokohama, pendant les jours où j’ai vécu dans l’immense bivouac des rescapés, je n’ai pas entendu une plainte. Les gens avaient cette résignation attristée des enfants de bonne famille.


Il y a le Japon plat et il y a le Japon plié.
Le Japon plié ne se refuse pas seulement au pied, il se dérobe au regard. Sauf pendant ces mois où souffle régulièrement la grande haleine salubre du Nord, il est toujours plein d’eau et de brouillard, et ses profondes élaborations intérieures ne sont révélées que par les torrents qui de tous les côtés s’en échappent avec fureur, des eaux inhumaines s’échappent de recoins aussi reculés que des cimetières. Au côté de l’océan, on dirait que ce pays de trous et de remplis en appelle à lui toutes les vapeurs, qu’il conjure tous les rêves d’une matière suspendue en mal de la forme. C’est un laboratoire que le coton atmosphérique ne cesse d’approvisionner pour se faire approprier à travers toute espèce de précipitations par une végétation multiple aussi adaptée à l’exploitation du brouillard que les polypes le sont à celle de l’eau salée, mousses pareilles à des algues, aiguilles de pins, as du fraisier, étoile de l’érable, tube, mucus, peignes, bulles, poils, houppes, langues, buvards, condenseurs. Une sorte d’appareil digestif. Un pays qui ne connaît pas le repos et où le mouvement ne cesse jamais. Celui de l’ombre et de la lumière, celui du vent et de la pluie, celui du soleil et de la lune, mille fois interprété par le relief, par le miroir, par le voile et par l’écran. Mais surtout la brume n’y arrête jamais le jeu de  ses écharpes, de ses réseaux, et de ses tissus, et de ses transparences, et de ses bouchons. Il y a toujours quelque chose qui bouge, la longue tête du dragon pénètre dans un col tandis que sa griffe enserre l’épaule d’un volcan et que sa queue traîne au fond d’une vallée, piquée par les mille escarboucles d’une ville. Une étoile brille, elle s’éteint, et aussitôt une autre une seconde lui répond comme un signal optique à l’autre bout du ciel. Il y a toujours quelque chose qui apparaît et qui disparaît, qui s’élève et qui s’abaisse, qui fume et qui se pelotonne, qui s’enveloppe et qui se révèle. Sensibilité traduite immédiatement par des mouvements à toutes les nuances, à toutes les humeurs de la journée et de la saison. Un cœur lisible, un visage où toutes les émotions se peignent. Un spectacle dont le principal acteur est le rideau. Il n’y a pas à s’étonner qu’un Saigyoo et un Bashoo, quittant tout aient construit une hutte dans la montagne pour n’en perdre aucune péripétie.


Pour étudier l'importance du séjour au Japon de Paul Claudel, je vous recommande la conférence de Michel WASSERMAN que vous pouvez lire dans son intégralité en cliquant sur le lien ci-dessous :


 Paul Claudel a su saisir toute la finesse de la culture japonaise qu'il admirait tant, poursuivant ainsi la passion que sa soeur Camille avait pour la culture nipponne.  C'est le Japon qui lui inspira une de ses oeuvres les plus exotiques et finalement les plus intimes : Cent Phrases pour Eventails.

Cent Phrases pour éventails
PRÉFACE À CENT PHRASES POUR ÉVENTAILS de Paul Claudel
C'est le recueil de ces poèmes aujourd'hui pour la première fois après seize ans prêts à s'envoler sous notre ciel de France, que jadis au Japon, à la recherche de leur ombre, j'ai essayé effrontément de mêler à l'essaim rituel des haï kaï. Qui m'aurait permis — ce n'est pas ce pinceau déjà vibrant au plus délié de mes phalanges, ce n'est pas ce papier offert, aussi craquant que la soie, aussi tendu que la corde sous l'archet, aussi moelleux que le brouillard — de résister à la tentation là-bas partout ambiante de la calligraphie ? Ne suis-je pas, moi aussi, un spécialiste de la lettre ? Et la lettre occidentale, telle qu'au fil de notre pensée elle s'intègre en mots et en lettres, n'est-elle pas dans le geste qui la lie à ses voisines quelque chose d'aussi animé et péremptoire que le sigle chinois ? Le caractère s'imprime d'un seul coup sur l'idée et la propose, affichée, immobilisée à la correspondance de la constellation graphique qu'il évoque autour de lui. Mais la lettre dans son analyse et report sur la ligne horizontale du concept imaginaire est à la fois figure et mouvement, une espèce d'engin sémantique. O, suivant sa jonction avec les autres traits alphabétiques, peut être le soleil, la lune, une roue, une poulie, une bouche ouverte, un lac, un trou, une île, un zéro, — la fonction de tout cela. I peut être un dard, l'index tendu, un arbre, une colonne, l'affirmation de la personne et de l'unité. M est la mer, la montagne, la main, la mesure, l'âme, l'identité. Et si de toutes ces bouches et barres ajoutées nous formons un mot, quel idéogramme plus parfait que cœur, œil, sœur, même, soi, rêve, pied, toit, etc. ? Le mot chez nous (qui signifie : acquis par le mouvement) est un ensemble obtenu par une succession. Il vibre encore, il émane encore dans cet arrêt du blanc qui le limite l'allure de la main qui l'a tracé. On assiste à l'élan qui a noué les anneaux de cette chaîne. On va dans une direction qui est de gauche à droite, et la main, une ligne sous l'autre ligne, reprend inlassablement le même trajet. Le poète va dans la direction de son lecteur, puis revenant vers lui-même, comme la plume à l'encrier, il recommence le parcours.
Seulement le papier est lisse, les lettres, penchées toutes en avant, créent une espèce de pente qui entraîne, et le poète bientôt, s'il ne surveille pas sa monture, qui est cette plume effrénée entre ses doigts, ne s'occupe plus que du but et non pas des vestiges que laisse derrière lui sa course.
Mais qu'à la plume il ait substitué le pinceau, tout change ! À l'attelage incliné des trois doigts et du style se substitue une attention verticale. À la vocalise continue une analyse lettre à lettre. Le mot, lentement dessiné et perpendiculaire à l'œil, dégage le sens total des diverses efficiences qu'il coagule (et dans ce mot même que je viens d'écrire, est-ce que l'encre ne fait pas briller aux yeux du lecteur une triple goutte ?). Le poète n'est plus seulement l'auteur, mais comme le peintre, le spectateur et le critique de son œuvre, au fur et à mesure qu'il se voit lui-même en train de la réaliser. Sa création se fait sous ses yeux au ralenti. Il a le temps. Dès lors, pourquoi la contrainte extérieure et mécanique du papier et de la prosodie ? Laissons à chaque mot, qu'il soit fait d'un seul ou de plusieurs vocables, à chaque proposition verbale, l'espace — le temps — nécessaire à sa pleine sonorité, à sa dilatation dans le blanc. Que chaque groupe ou individu graphique prenne librement sur l'aire attribuée l'habile position qui lui convient par rapport aux autres groupes. Substituons à la ligne uniforme un libre ébat au sein de la deuxième dimension ! Et puisque c'est la pensée seule par une espèce de choc en retour qui solidifie les successifs éléments du mot, pourquoi ne pas retarder quand il le faut par un espacement calculé la résolution du noir caillot intellectuel et prolonger l'insistance de l'appel qu'il articule ?
Le poème lui-même s'inscrit sur deux colonnes parallèles, la marge étant réservée à ce qu'on peut appeler titre ou racine ou exclamation.

Brangues, 25 juin 1941


L'art de l'écriture se mêle à celui de la calligraphie.




La publication de Cent Phrases pour éventails est en réalité l'aboutissement d'un processus dans lequel on peut distinguer quatre étapes au cours desquelles l'esprit du recueil a sensiblement évolué. Les trois premières publications se font au Japon. Après avoir collaboré avec le peintre japonais Tomita Keisen (1879-1936) à propos du poème intitulé "La Muraille intérieure de Tokyô" (ou "Les Douze Vues de la Muraille intérieure" ou "Poèmes au verso de sainte Geneviève", ou encore en japonais " Kojo-ju-ni-kei ", 1922), Claudel décide de prolonger ce mode de travail qui allie un peintre et un poète en concevant pour la première fois le 6 juin 1926 des "phrases" qu'il continuera de composer jusqu'en janvier 1927. Il publie tout d'abord Souffle des quatre souffles (octobre 1926, 200 exemplaires ainsi que 2 exemplaires d'auteur et 3 exemplaires de grand luxe, titre japonais : Shi-fu-jô). Il s'agit de quatre poèmes (phrases 69, 106, 16 et 63 du recueil définitif) écrits au pinceau de la main de Claudel, juxtaposés à quatre dessins à l'encre de Chine et à l'aquarelle de Tomita Keisen, le tout disposé sur la forme d'un éventail en papier de lin bistre de 20, 3 cm sur 52, 8 cm. L'inspiration est multiple: le "livre de dialogue" entre un peintre et un poète dans la tradition occidentale, mais aussi, bien évidemment, certaines traditions picturales dont Tomita Keisen est spécialiste — la peinture des lieux célèbres (meishô-e), de paysages (fukô-ga), de fleurs et d'oiseaux (kachô-ga), des quatre saisons (shiki-e) et naturellement la peinture pour éventails (senma-ga) —, et plus généralement la "peinture lettrée". Souffle renvoie également au genre du haïku, considéré en Occident comme représentatif de la culture japonaise, tant du point de vue de la structuration globale du recueil divisé en quatre saisons que du point de vue de la structure singulière des phrases qui, outre la brièveté qui les définit, comportent bien souvent deux des caractéristiques formelles du haïku, le "mot-saison" (kigo) et, à travers ce que Claudel nommera "l'exclamation" dans la préface du recueil définitif, le "mot-césure" (kireji).
Mais, dans le même temps, Claudel a composé d'autres "phrases" qu'il avait écartées de sa sélection des 4 poèmes de Souffle. Il reprend donc le projet en lui donnant un premier infléchissement: ce sont les Poèmes du Pont-des-Faisans publiés le mois suivant (novembre 1926, titre japonais: Chiketsu-shû), qui comportent, outre les quatre dessins-poèmes de Souffle, d'une part 16 poèmes de la main de Claudel mais présentés seuls sans dessin en regard et d'autre part 16 dessins de Tomita Keisen, également séparés, le tout constituant 36 éventails. Le fait de séparer les dessins japonais des textes français éloigne l'esprit de la publication de l'idéal de fusion entre les caractères ou lettres du poète et les traits du peintre, idéal de la peinture lettrée. Claudel s'oriente vers un autre projet. Cent Phrases pour éventails (1927, édition Koshiba, titre japonais: Hyaku sen chô, littéralement "recueil ou cahier de cent éventails"), tout d'abord publié au Japon, repose sur le principe de "l'émulation" (voir préface) : il ne s'agit plus de fondre deux pratiques, peinture (japonaise) et poésie (française), mais de faire aussi bien (en français) que les poètes-calligraphes japonais ou chinois. C'est pourquoi Claudel dispose en regard d'un côté deux kanji (idéogrammes chinois empruntés par la langue japonaise), choisis par "messieurs Yamanoushi et Yoshié", et tracés par le calligraphe Ikuma Arishima, et de l'autre une "phrase", avec le plus souvent, une ou quelques lettres occidentales faisant incursion du côté japonais. Phrases pour éventail comporte non pas 100, mais 172 poèmes
Quinze ans après l'édition japonaise, Claudel décide de publier de façon plus large le recueil, chez Gallimard, en 1942. Il ajoute alors une préface signée de 
Brangues, le 25 juin 1941.
Pour en savoir plus : http://www.paul-claudel.net/

Jules Verne,  le visionnaire ( 1828 - 1905 )

Jules Verne est né à Nantes le 8 février 1828. Cette ville, située à l'estuaire de la Loire, le prédestinait à aimer la mer et les bateaux.



Le rapprochement est aisé avec la ville d'Amiens, où Jules Verne vécut de 1882 à 1900. Même canaux ! Même passion des bateaux !



C'est la maison où il habita à Amiens qui est aujourd'hui transformée en musée.








Saviez-vous que Le Tour du monde en 80 jours est la première oeuvre française à avoir été traduite directement en Japonais ?
        Et oui ! La première œuvre littéraire française traduite directement de l'original en japonais fut Le Tour du monde en quatre-vingts jours de Jules Verne (1828-1905) en 1878 (an 11 de l'ère Meiji) par KAWASHIMA Chunosuke (1853-1938).



        Par la suite, de nombreuses œuvres furent traduites du français ou de l'anglais et publiées avec succès, à commencer par les romans populaires, tels que ceux des Dumas (père, 1802-1870, et fils, 1824-1895) et de Victor Hugo (1802-1885), et la littérature naturaliste d'Émile Zola (1840-1902) et Guy de Maupassant (1850-1893). Cependant, nombreuses parmi ces traductions étaient soit abrégées, soit modifiées de sorte à donner aux personnages des noms japonais voire même, dans les cas les plus extrêmes, à transposer l'action au Japon, donnant ainsi naissance à des adaptations plus qu'à des traductions. On voit là les tâtonnements des traducteurs cherchant à transmettre le charme de l'œuvre originale à des lecteurs encore peu familiers avec les histoires situées en terres étrangères.



Le Tour du monde en 80 jours - Extraits choisis


Extrait N°1

En l’année 1872, la maison portant le numéro 7 de Saville-row, Burlington Gardens, – maison dans laquelle Shéridan mourut en 1814, – était habitée par Phileas Fogg, l’un des membres les plus singuliers et les plus remarqués du Reform-Club de Londres, bien qu’il semblât prendre à tâche de ne rien faire qui pût attirer l’attention. À l’un des plus grands orateurs qui honorent l’Angleterre, succédait donc ce Phileas Fogg, personnage énigmatique, dont on ne savait rien, sinon que c’était un fort galant homme et l’un des plus beaux gentlemen de la haute société anglaise. On disait qu’il ressemblait à Byron, – par la tête, car il était irréprochable quant aux pieds, – mais un Byron à moustaches et à favoris, un Byron impassible, qui aurait vécu mille ans sans vieillir. Anglais, à coup sûr, Phileas Fogg n’était peut-être pas Londonner. On ne l’avait jamais vu ni à la Bourse, ni à la Banque, ni dans aucun des comptoirs de la Cité. Ni les bassins ni les docks de Londres n’avaient jamais reçu un navire ayant pour armateur Phileas Fogg. Ce gentleman ne figurait dans aucun comité d’administration. (…) Il ne faisait partie ni de l’Institution royale de la Grande-Bretagne, ni de l’Institution de Londres, ni de l’Institution des Artisans, ni de l’Institution Russell, ni de l’Institution littéraire de l’Ouest, ni de l’Institution du Droit, ni de cette Institution des Arts et des Sciences réunis, qui est placée sous le patronage direct de Sa Gracieuse Majesté. Il n’appartenait enfin à aucune des nombreuses sociétés qui pullulent dans la capitale de l’Angleterre, depuis la Société de l’Armonica jusqu’à la Société entomologique, fondée principalement dans le but de détruire les insectes nuisibles. Phileas Fogg était membre du Reform-Club, et voilà tout.
À qui s’étonnerait de ce qu’un gentleman aussi mystérieux comptât parmi les membres de cette honorable association, on répondra qu’il passa sur la recommandation de MM. Baring frères, chez lesquels il avait un crédit ouvert. De là une certaine « surface », due à ce que ses chèques étaient régulièrement payés à vue par le débit de son compte courant invariablement créditeur. Ce Phileas Fogg était-il riche ? Incontestablement. Mais comment il avait fait fortune, c’est ce que les mieux informés ne pouvaient dire, et Mr. Fogg était le dernier auquel il convînt de s’adresser pour l’apprendre. En tout cas, il n’était prodigue de rien, mais non avare, car partout où il manquait un appoint pour une chose noble, utile ou généreuse, il l’apportait silencieusement et même anonymement. En somme, rien de moins communicatif que ce gentleman. Il parlait aussi peu que possible, et semblait d’autant plus mystérieux qu’il était silencieux. Cependant sa vie était à jour, mais ce qu’il faisait était si mathématiquement toujours la même chose, que l’imagination, mécontente, cherchait au-delà. Avait-il voyagé ? C’était probable, car personne ne possédait mieux que lui la carte du monde. Il n’était endroit si reculé dont il ne parût avoir une connaissance spéciale. Quelquefois, mais en peu de mots, brefs et clairs, il redressait les mille propos qui circulaient dans le club au sujet des voyageurs perdus ou égarés ; il indiquait les vraies probabilités, et ses paroles s’étaient trouvées souvent comme inspirées par une seconde vue, tant l’évènement finissait toujours par les justifier. C’était un homme qui avait dû voyager partout, – en esprit, tout au moins. Ce qui était certain toutefois, c’est que, depuis de longues années, Phileas Fogg n’avait pas quitté Londres. Ceux qui avaient l’honneur de le connaître un peu plus que les autres attestaient que, – si ce n’est sur ce chemin direct qu’il parcourait chaque jour pour venir de sa maison au club, – personne ne pouvait prétendre l’avoir jamais vu ailleurs. Son seul passe-temps était de lire les journaux et de jouer au whist. À ce jeu du silence, si bien approprié à sa nature, il gagnait souvent, mais ses gains n’entraient jamais dans sa bourse et figuraient pour une somme importante à son budget de charité. D’ailleurs, il faut le remarquer, Mr. Fogg jouait évidemment pour jouer, non pour gagner. Le jeu était pour lui un combat, une lutte contre une difficulté, mais une lutte sans mouvement, sans déplacement, sans fatigue, et cela allait à son caractère. On ne connaissait à Phileas Fogg ni femme ni enfants, – ce qui peut arriver aux gens les plus honnêtes, – ni parents ni amis, – ce qui est plus rare en vérité. Phileas Fogg vivait seul dans sa maison de Savillerow, où personne ne pénétrait. De son intérieur, jamais il n’était question. Un seul domestique suffisait à le servir. Déjeunant, dînant au club à 3 des heures chronométriquement déterminées, dans la même salle, à la même table, ne traitant point ses collègues, n’invitant aucun étranger, il ne rentrait chez lui que pour se coucher, à minuit précis, sans jamais user de ces chambres confortables que le Reform-Club tient à la disposition des membres du cercle. Sur vingt-quatre heures, il en passait dix à son domicile, soit qu’il dormît, soit qu’il s’occupât de sa toilette. S’il se promenait, c’était invariablement, d’un pas égal, dans la salle d’entrée parquetée en marqueterie, ou sur la galerie circulaire, au-dessus de laquelle s’arrondit un dôme à vitraux bleus, que supportent vingt colonnes ioniques en porphyre rouge. S’il dînait ou déjeunait, c’étaient les cuisines, le garde manger, l’office, la poissonnerie, la laiterie du club, qui fournissaient à sa table leurs succulentes réserves ; c’étaient les domestiques du club, graves personnages en habit noir, chaussés de souliers à semelles de molleton, qui le servaient dans une porcelaine spéciale et sur un admirable linge en toile de Saxe ; c’étaient les cristaux à moule perdu du club qui contenaient son sherry, son porto ou son claret mélangé de cannelle, de capillaire et de cinnamome ; c’était enfin la glace du club – glace venue à grands frais des lacs d’Amérique – qui entretenait ses boissons dans un satisfaisant état de fraîcheur. Si vivre dans ces conditions, c’est être un excentrique, il faut convenir que l’excentricité a du bon ! La maison de Saville-row, sans être somptueuse, se recommandait par un extrême confort. D’ailleurs, avec les habitudes invariables du locataire, le service s’y réduisait à peu. Toutefois, Phileas Fogg exigeait de son unique domestique une ponctualité, une régularité extraordinaires. Ce jour-là même, 2 octobre, Phileas Fogg avait donné son congé à James Forster, – ce garçon s’étant rendu coupable de lui avoir apporté pour sa barbe de l’eau à quatre-vingt-quatre degrés Fahrenheit au lieu de quatre-vingt-six, – et il attendait son successeur, qui devait se présenter entre onze heures et onze heures et demie. Phileas Fogg, carrément assis dans son fauteuil, les deux pieds rapprochés comme ceux d’un soldat à la parade, les mains appuyées sur les genoux, le corps droit, la tête haute, regardait marcher l’aiguille de la pendule, – appareil compliqué qui indiquait les heures, les minutes, les secondes, les jours, les quantièmes et l’année. À onze heures et demie sonnant, Mr. Fogg devait, suivant sa quotidienne habitude, quitter la maison et se rendre au Reform-Club. En ce moment, on frappa à la porte du petit salon dans lequel se tenait Phileas Fogg. James Forster, le congédié, apparut. « Le nouveau domestique, » dit-il. 4 Un garçon âgé d’une trentaine d’années se montra et salua. « Vous êtes Français et vous vous nommez John ? lui demanda Phileas Fogg. – Jean, n’en déplaise à monsieur, répondit le nouveau venu, Jean Passepartout, un surnom qui m’est resté, et que justifiait mon aptitude naturelle à me tirer d’affaire. Je crois être un honnête garçon, monsieur, mais, pour être franc, j’ai fait plusieurs métiers. J’ai été chanteur ambulant, écuyer dans un cirque, faisant de la voltige comme Léotard, et dansant sur la corde comme Blondin ; puis je suis devenu professeur de gymnastique, afin de rendre mes talents plus utiles, et, en dernier lieu, j’étais sergent de pompiers, à Paris. J’ai même dans mon dossier des incendies remarquables. Mais voilà cinq ans que j’ai quitté la France et que, voulant goûter de la vie de famille, je suis valet de chambre en Angleterre. Or, me trouvant sans place et ayant appris que monsieur Phileas Fogg était l’homme le plus exact et le plus sédentaire du Royaume-Uni, je me suis présenté chez monsieur avec l’espérance d’y vivre tranquille et d’oublier jusqu’à ce nom de Passepartout… – Passepartout me convient, répondit le gentleman. Vous m’êtes recommandé. J’ai de bons renseignements sur votre compte. Vous connaissez mes conditions ? – Oui, monsieur. – Bien. Quelle heure avez-vous ? – Onze heures vingt-deux, répondit Passepartout, en tirant des profondeurs de son gousset une énorme montre d’argent. – Vous retardez, dit Mr. Fogg. – Que monsieur me pardonne, mais c’est impossible. – Vous retardez de quatre minutes. N’importe. Il suffit de constater l’écart. Donc, à partir de ce moment, onze heures vingt-neuf du matin, ce mercredi 2 octobre 1872, vous êtes à mon service. » Cela dit, Phileas Fogg se leva, prit son chapeau de la main gauche, le plaça sur sa tête avec un mouvement d’automate et disparut sans ajouter une parole. Passepartout entendit la porte de la rue se fermer une première fois : c’était son nouveau maître qui sortait ; puis une seconde fois : c’était son prédécesseur, James Forster, qui s’en allait à son tour. Passepartout demeura seul dans la maison de Saville-row.



Extrait N°2

Le 13, à la marée du matin, le Carnatic entrait dans le port de Yokohama. Ce point est une relâche importante du Pacifique, où font escale tous les steamers employés au service de la poste et des voyageurs entre l’Amérique du Nord, la Chine, le Japon et les îles de la Malaisie. Yokohama est située dans la baie même de Yeddo, à peu de distance de cette immense ville, seconde capitale de l’empire japonais, autrefois résidence du taïkoun, du temps que cet empereur civil existait, et rivale de Meako, la grande cité qu’habite le mikado, empereur ecclésiastique, descendant des dieux. Le Carnatic vint se ranger au quai de Yokohama, près des jetées du port et des magasins de la douane, au milieu de nombreux navires appartenant à toutes les nations. Passepartout mit le pied, sans aucun enthousiasme, sur cette terre si curieuse des Fils du Soleil. Il n’avait rien de mieux à faire que de prendre le hasard pour guide, et d’aller à l’aventure par les rues de la ville. Passepartout se trouva d’abord dans une cité absolument européenne, avec des maisons à basses façades, ornées de vérandas sous lesquelles se développaient d’élégants péristyles, et qui couvrait de ses rues, de ses places, de ses docks, de ses entrepôts, tout l’espace compris depuis le promontoire du Traité jusqu’à la rivière. Là, comme à Hong-Kong, comme à Calcutta, fourmillait un pêle-mêle de gens de toutes races, Américains, Anglais, Chinois, Hollandais, marchands prêts à tout vendre et à tout acheter, au 109 milieu desquels le Français se trouvait aussi étranger que s’il eût été jeté au pays des Hottentots. Passepartout avait bien une ressource : c’était de se recommander près des agents consulaires français ou anglais établis à Yokohama ; mais il lui répugnait de raconter son histoire, si intimement mêlée à celle de son maître, et avant d’en venir là, il voulait avoir épuisé toutes les autres chances. Donc, après avoir parcouru la partie européenne de la ville, sans que le hasard l’eût en rien servi, il entra dans la partie japonaise, décidé, s’il le fallait, à pousser jusqu’à Yeddo. Cette portion indigène de Yokohama est appelée Benten, du nom d’une déesse de la mer, adorée sur les îles voisines. Là se voyaient d’admirables allées de sapins et de cèdres, des portes sacrées d’une architecture étrange, des ponts enfouis au milieu des bambous et des roseaux, des temples abrités sous le couvert immense et mélancolique des cèdres séculaires, des bonzeries au fond desquelles végétaient les prêtres du bouddhisme et les sectateurs de la religion de Confucius, des rues interminables où l’on eût pu recueillir une moisson d’enfants au teint rose et aux joues rouges, petits bonshommes qu’on eût dit découpés dans quelque paravent indigène, et qui se jouaient au milieu de caniches à jambes courtes et de chats jaunâtres, sans queue, très paresseux et très caressants. Dans les rues, ce n’était que fourmillement, va-et-vient incessant : bonzes passant processionnellement en frappant leurs tambourins monotones, yakounines, officiers de douane ou de police, à chapeaux pointus incrustés de laque et portant deux sabres à leur ceinture, soldats vêtus de cotonnades bleues à raies blanches et armés du fusil à percussion, hommes d’armes du mikado, ensachés dans leur pourpoint de soie, avec haubert et cotte de mailles, et nombre d’autres militaires de toutes conditions, – car, au Japon, la profession de soldat est autant estimée qu’elle est dédaignée en Chine. Puis, des frères quêteurs, des pèlerins en longues robes, de simples civils, chevelure lisse et d’un noir d’ébène, tête grosse, buste long, jambes grêles, taille peu élevée, teint coloré depuis les sombres nuances du cuivre jusqu’au blanc mat, mais jamais jaune comme celui des Chinois, dont les Japonais diffèrent essentiellement. Enfin, entre les voitures, les palanquins, les chevaux, les porteurs, les brouettes à voile, les « norimons » à parois de laque, les « cangos » moelleux, véritables litières en bambous, on voyait circuler, à petits pas de leur petit pied, chaussé de souliers de toile, de sandales de paille ou de socques en bois ouvragé, quelques femmes peu jolies, les yeux bridés, la poitrine déprimée, les dents noircies au goût du jour, mais portant avec élégance le vêtement national, le « kirimon », sorte de robe de chambre croisée d’une écharpe de soie, dont la large 110 ceinture s’épanouissait derrière en un nœud extravagant, – que les modernes Parisiennes semblent avoir emprunté aux Japonaises. Passepartout se promena pendant quelques heures au milieu de cette foule bigarrée, regardant aussi les curieuses et opulentes boutiques, les bazars où s’entasse tout le clinquant de l’orfèvrerie japonaise, les « restaurations » ornées de banderoles et de bannières, dans lesquelles il lui était interdit d’entrer, et ces maisons de thé où se boit à pleine tasse l’eau chaude odorante, avec le « saki », liqueur tirée du riz en fermentation, et ces confortables tabagies où l’on fume un tabac très fin, et non l’opium, dont l’usage est à peu près inconnu au Japon. Puis Passepartout se trouva dans les champs, au milieu des immenses rizières. Là s’épanouissaient, avec des fleurs qui jetaient leurs dernières couleurs et leurs derniers parfums, des camélias éclatants, portés non plus sur des arbrisseaux, mais sur des arbres, et, dans les enclos de bambous, des cerisiers, des pruniers, des pommiers, que les indigènes cultivent plutôt pour leurs fleurs que pour leurs fruits, et que des mannequins grimaçants, des tourniquets criards défendent contre le bec des moineaux, des pigeons, des corbeaux et autres volatiles voraces. Pas de cèdre majestueux qui n’abritât quelque grand aigle ; pas de saule pleureur qui ne recouvrît de son feuillage quelque héron, mélancoliquement perché sur une patte ; enfin, partout des corneilles, des canards, des éperviers, des oies sauvages, et grand nombre de ces grues que les Japonais traitent de « Seigneuries », et qui symbolisent pour eux la longévité et le bonheur. En errant ainsi, Passepartout aperçut quelques violettes entre les herbes : « Bon ! dit-il, voilà mon souper. » Mais les ayant senties, il ne leur trouva aucun parfum. « Pas de chance ! » pensa-t-il. Certes, l’honnête garçon avait, par prévision, aussi copieusement déjeuné qu’il avait pu avant de quitter le Carnatic ; mais après une journée de promenade, il se sentit l’estomac très creux. Il avait bien remarqué que moutons, chèvres ou porcs, manquaient absolument aux étalages des bouchers indigènes, et, comme il savait que c’est un sacrilège de tuer les bœufs, uniquement réservés aux besoins de l’agriculture, il en avait conclu que la viande était rare au Japon. Il ne se trompait pas ; mais à défaut de viande de boucherie, son estomac se fût fort accommodé des quartiers de sanglier ou de daim, des perdrix ou des cailles, de la volaille ou du poisson, dont les Japonais se nourrissent presque exclusivement avec le produit des rizières. Mais il dut faire contre fortune bon cœur, et remit au lendemain le soin de pourvoir à sa nourriture. La nuit vint. Passepartout rentra dans la ville indigène, et il erra dans les rues au milieu des lanternes multicolores, regardant les groupes de baladins exécuter leurs prestigieux exercices, et les astrologues en plein vent qui 111 amassaient la foule autour de leur lunette. Puis il revit la rade, émaillée des feux de pêcheurs, qui attiraient le poisson à la lueur de résines enflammées. Enfin les rues se dépeuplèrent. À la foule succédèrent les rondes des yakounines. Ces officiers, dans leurs magnifiques costumes et au milieu de leur suite, ressemblaient à des ambassadeurs, et Passepartout répétait plaisamment, chaque fois qu’il rencontrait quelque patrouille éblouissante : « Allons, bon ! encore une ambassade japonaise qui part pour l’Europe ! »





Une autre oeuvre de Jules Verne, moins connue, 
mais tout aussi marquante et visionnaire, s'intitule 

La Journée d'un journaliste américain en 2889. 

A découvrir dans les articles de notre blog. mars 2017


Alexandre Dumas ( 1802 - 1870 ) 



Alexandre Dumas Fils ? ou Alexandre Dumas père ?
Attention à ne pas confondre les deux !
Le père est né à Villers-Cotterêt. Il est l'auteur des Trois Mousquetaires et du Comte de Monte Cristo.
Le fils est né à Paris. Il est l'auteur de La Dame aux Camélias.


Villers-Cotterêt est une petite ville du département de l'Aisne, célèbre pour le château où François 1er, roi de France, signa l'ordonnance de 1559, qui déclara le Français comme langue officielle du royaume.






Ce château de Villers-Cotterêts (…) était, avec Sainte-Assise, la résidence de M. le duc d’Orléans.
Ce château faisait partie des apanages de la famille depuis le mariage de Monsieur, frère du roi Louis XIV, avec Madame Henriette d’Angleterre.
Le bâtiment, presque grand à lui seul comme toute la ville, et qui, devenu un dépôt de mendicité, une maison d’asile, loge aujourd’hui sept à huit cents pauvres, ce bâtiment n’offre rien de bien remarquable comme architecture, à part un coin de l’ancienne chapelle, qui appartenait, autant qu’on en peut juger par ce qui en reste, à l’époque de la plus belle Renaissance. Commencé par François Ier, le château a été achevé par Henri II.
Le père et le fils y ont apposé chacun son cachet.
François Ier y a sculpté ses salamandres ; Henri II, son chiffre et celui de sa femme Katherine de Médicis.
Les deux chiffres, qui se composent de la lettre K et de la lettre H. sont renfermés dans les trois croissants de Diane de Poitiers.
Etrange réunion des chiffres des époux et des armes de la maîtresse, et qui est encore visible aujourd’hui à l’angle de la prison donnant sur la petite rue qui conduit à l’abreuvoir.
(Mémoires, chap. 1)

Ce parc, planté par François Ier, fut abattu par Louis-Philippe.
Beaux arbres ! à l’ombre desquels s’étaient couchés François Ier et madame d’Etampes, Henri II et Diane de Poitiers, Henri IV et Gabrielle, vous aviez le droit de croire qu’un Bourbon vous respecterait ; que vous vivriez votre longue vie de hêtres et de chênes ; que les oiseaux chanteraient sur vos branches mortes et dépouillées, comme ils chantaient sur vos branches vertes et feuillues ! Mais, outre ce prix inestimable de poésie et de souvenirs, vous aviez malheureusement un prix matériel, beaux hêtres à l’enveloppe polie et argentée, beaux chênes à l’écorce sombre et rugueuse ! Vous valiez cent mille écus ! Le roi de France, qui était trop pauvre pour vous conserver avec ses six millions de revenus particuliers, le roi de France vous a vendus ! Je n’eusse eu que vous pour toute fortune, que je vous aurais gardés, moi ; car, poète que je suis, il y a une chose que je préférerais à tout l’or de la terre, c’est le murmure du vent dans vos feuilles ; c’est l’ombre que vous faisiez trembler sous mes pieds ; ce sont les douces visions, les charmants fantômes qui, le soir, entre le jour et la nuit, à l’heure douteuse du crépuscule, glissaient entre vos troncs séculaires, comme glissent les ombres des antiques Abencérages entre les mille colonnes de la mosquée royale de Cordoue !
Il était loin de se douter de cela, cet autre poète qu’on appelait Demoustier, lorsqu’il écrivait, sur l’écorce de l’un de vous, ces vers disparus avec vous, et que moi seul sais peut-être aujourd’hui :
Ce bois fut l’asile chéri
De l’amour toutefois fidèle ;
Tout l’y rappelle encore, et le coeur attendri
Soupire en se disant : « C’est ici que Henri
Soupirait près de Gabrielle. »
Et c’est pourtant cela qui l’a renversé, cet homme, qui se croyait plus solidement enraciné au trône que vous ne l’étiez à la terre : c’est qu’il ne comprenait rien de ce qui était grand ; c’est que chaque chose, dépouillée de ce prestige que lui prête l’imagination, n’avait à ses yeux que sa valeur matérielle ; c’est qu’il se disait : « Tout homme se peut acheter, comme tout arbre se peut vendre. J’ai d’immenses forêts, je vendrai des arbres, et j’achèterai des hommes. »
Sire, vous vous trompiez. Il y a autre chose dans la vie que l’algèbre et que l’arithmétique : il y a la croyance, il y a la foi ; vous n’avez pas cru aux autres, et les autres n’ont pas cru en vous; vous avez soufflé sur le passé, et le passé a soufflé sur vous.
Mémoires (Chap. 21)

C'est dans la maison ci-dessous que naquit Alexandre Dumas, père.


Mais c'est dans un autre lieu, un hôtel particulier du XIXème siècle, que le musée Dumas est installé depuis 1952.




Pour en savoir plus : MUSEE DUMAS ACCUEIL


Le Comte de Monte Cristo est l'une des oeuvres d'Alexandre Dumas célèbre dans le monde entier et en particulier au Japon.
En France, l'adaptation la plus récente est celle de José Dayan en 1998, avec Gérard Depardieu dans le rôle de Monte Cristo.


Au Japon, le roman a donné lieu notamment à une série d'animation futuriste auquel le Musée Dumas  a voulu rendre hommage.


Gankutsuou, le comte de Monte-Cristo


Du 17 septembre 2016 au 29 avril 2017




Dans un monde futuriste, Paris demeure la ville des lumières. Le jeune Albert de Morcerf et son ami d’enfance, Franz d’Epinay, décident d’échapper au quotidien morne d’une existence oisive en se rendant sur la planète Luna à l’occasion du carnaval. Ils font la connaissance d’un mystérieux personnage dont le charisme n’a d’égal que sa richesse: le Comte de Monte-Cristo. Si Franz considère ce dernier comme froid et manipulateur, Albert est fasciné par l’énigmatique Comte et lui promet de le faire introduire auprès de la bonne société parisienne. Mais dans l’ombre de cette amitié naissante, de sombres secrets motivés par un profond désir de vengeance vont changer à jamais la vie du jeune Albert.Avec la trilogie des mousquetaires, Le comte de Monte-Cristo est sans nul doute le roman le plus célèbre d’Alexandre Dumas. Publié en feuilleton dans le journal des débats de 1844 à 1846, le roman nous dévoile une vengeance minutieusement élaborée et artistiquement menée jusqu’à son aboutissement final.

Le comte de Monte-Cristo ne cesse de susciter encore aujourd’hui engouement et fascination et a ainsi donné lieu à d’innombrables adaptations littéraires, cinématographiques, télévisuels et jusqu’à la série animée japonaise Gankutsuou réalisée par Mahiro Maeda chez Gonzo Digimation en 2004.




Jean Racine ( 1639 - 1699 )


Racine est l'un des auteurs français classiques les plus célèbres.



Il figura pendant longtemps sur le billet de banque français de 50 francs.



Jean Racine est né le 22 décembre 1639 à La Ferté-Milon.
La Ferté-Milon est une petite ville du Nord de la France, dans le département de l'Aisne.





Au VIIIème siècle, le seigneur MILON construisit une forteresse et aménagea cette petite ville.
A la fin du XIV ème siècle, le duc d’Orléans entreprit la construction du château. 
Ce château ne fut jamais achevé en raison de l’assassinat du duc d’Orléans en 1407. 
Durant les guerres de religions, Henri IV le fit démanteler et il ne reste que son immense façade. 
Celle-ci se dresse sur 102 mètres de longueur et 28 mètres de hauteur.


Aujourd'hui encore la ville est centrée autour de cet écrivain célèbre.
De statue en statue, Racine nous accompagne jusqu'à sa maison natale transformée en musée.





Cette maison est la maison où Jean racine a passé son enfance de 1643 à 1650.
Sa mère est morte en 1641, en mettant au monde sa soeur Marie. 
Son père meurt en 1643.
Jean Racine est alors recueilli par sa grand-mère paternelle : Marie Desmoulins qui habitait cette maison.
Après des études à l'école de PORT ROYAL, et une grande culture alliant le latin, le grec, l'italien et l'espagnol, Jean racine est élu à l'Académie Française en 1672 à l'âge de 33 ans.




Et comme ce blog est essentiellement destiné à mes lectrices japonaises, une petite curiosité :
un tableau de Camille COROT, exposé au musée Racine et qui représente La ferté-Milon ,
mais dont l'original est conservé au Japon  


Le musée Ôhara

大原美術館
À KURASHIKI

Le musée d'art Ohara à Kurashiki est la première collection d'art occidental en exposition permanente au Japon. Ouvert en 1930, le musée à l'origine se compose presque entièrement de peintures et sculptures françaises des xixe et xxe siècles. La collection s'est à présent développée et comprend des peintures de la renaissance italienne ainsi que des écoles hollandaises et flamandes du xviie siècle.


PHEDRE ACTE I scène 3


PERSONNAGES
THÉSÉE, fils d’Égée, roi d’Athènes.
PHÈDRE, femme de Thésée, fille de Minos et de Pasiphaé.
HIPPOLYTE, fils de Thésée, et d’Antiope, reine des Amazones.
ARICIE, princesse du sang royal d’Athènes.
THÉRAMÈNE, gouverneur d’Hippolyte.
ŒNONE, nourrice et confidente de Phèdre.
ISMÈNE, confidente d’Aricie.
PANOPE, femme de la suite de Phèdre.
Gardes.
La scène est à Trézène, ville du Péloponnèse.


ACTE 1 - Scène 3
Phèdre, Œnone.

PHÈDRE
N’allons point plus avant, demeurons, chère Œnone.
Je ne me soutiens plus ; ma force m’abandonne :
Mes yeux sont éblouis du jour que je revois,
Et mes genoux tremblants se dérobent sous moi.
Hélas !
(Elle s’assied.)

ŒNONE
Hélas ! Dieux tout-puissants, que nos pleurs vous apaisent !

PHÈDRE
Que ces vains ornements, que ces voiles me pèsent !
Quelle importune main, en formant tous ces nœuds,
A pris soin sur mon front d’assembler mes cheveux ?
Tout m’afflige, et me nuit, et conspire à me nuire.

ŒNONE
Comme on voit tous ses vœux l’un l’autre se détruire !
Vous-même, condamnant vos injustes desseins,
Tantôt à vous parer vous excitiez nos mains ;
Vous-même, rappelant votre force première,
Vous vouliez vous montrer et revoir la lumière,
Vous la voyez, madame ; et, prête à vous cacher,
Vous haïssez le jour que vous veniez chercher !

PHÈDRE
Noble et brillant auteur d’une triste famille,
Toi dont ma mère osait se vanter d’être fille,
Qui peut-être rougis du trouble où tu me vois,
Soleil, je te viens voir pour la dernière fois !

ŒNONE
Quoi ! vous ne perdrez point cette cruelle envie ?
Vous verrai-je toujours, renonçant à la vie,
Faire de votre mort les funestes apprêts ?

PHÈDRE
Dieux ! que ne suis-je assise à l’ombre des forêts !
Quand pourrai-je, au travers d’une noble poussière,
Suivre de l’œil un char fuyant dans la carrière ?

ŒNONE
Quoi, madame ?

PHÈDRE
Quoi, madame ? Insensée ! où suis-je ? et qu’ai-je dit ?
Où laissé-je égarer mes vœux et mon esprit ?
Je l’ai perdu : les dieux m’en ont ravi l’usage.
Œnone, la rougeur me couvre le visage :
Je te laisse trop voir mes honteuses douleurs ;
Et mes yeux malgré moi se remplissent de pleurs.

ŒNONE
Ah ! s’il vous faut rougir, rougissez d’un silence
Qui de vos maux encore aigrit la violence.
Rebelle à tous nos soins, sourde à tous nos discours,
Voulez-vous, sans pitié, laisser finir vos jours ?
Quelle fureur les borne au milieu de leur course ?
Quel charme ou quel poison en a tari la source ?
Les ombres par trois fois ont obscurci les cieux
Depuis que le sommeil n’est entré dans vos yeux ;
Et le jour a trois fois chassé la nuit obscure
Depuis que votre corps languit sans nourriture.
À quel affreux dessein vous laissez-vous tenter ?
De quel droit sur vous-même osez-vous attenter ?
Vous offensez les dieux auteurs de votre vie ;
Vous trahissez l’époux à qui la foi vous lie ;
Vous trahissez enfin vos enfants malheureux,
Que vous précipitez sous un joug rigoureux.
Songez qu’un même jour leur ravira leur mère
Et rendra l’espérance au fils de l’étrangère,
À ce fier ennemi de vous, de votre sang,
Ce fils qu’une Amazone a porté dans son flanc,
Cet Hippolyte…

PHÈDRE
Cet Hippolyte… Ah ! dieux !

ŒNONE
Cet Hippolyte… Ah ! dieux ! Ce reproche vous touche ?

PHÈDRE
Malheureuse ! quel nom est sorti de ta bouche !

ŒNONE
Eh bien ! votre colère éclate avec raison :
J’aime à vous voir frémir à ce funeste nom.
Vivez donc : que l’amour, le devoir, vous excite.
Vivez ; ne souffrez pas que le fils d’une Scythe
Accablant vos enfants d’un empire odieux,
Commande au plus beau sang de la Grèce et des dieux.
Mais ne différez point ; chaque moment vous tue :
Réparez promptement votre force abattue,
Tandis que de vos jours prêts à se consumer
Le flambeau dure encore et peut se rallumer.

PHÈDRE
J’en ai trop prolongé la coupable durée.

ŒNONE
Quoi ! de quelques remords êtes-vous déchirée ?
Quel crime a pu produire un trouble si pressant ?
Vos mains n’ont point trempé dans le sang innocent ?

PHÈDRE
Grâces au ciel, mes mains ne sont point criminelles.
Plût aux dieux que mon cœur fût innocent comme elles !

ŒNONE
Et quel affreux projet avez-vous enfanté
Dont votre cœur encore doive être épouvanté ?

PHÈDRE
Je t’en ai dit assez : épargne-moi le reste.
Je meurs, pour ne point faire un aveu si funeste.

ŒNONE
Mourez donc, et gardez un silence inhumain ;
Mais pour fermer vos yeux cherchez une autre main.
Quoiqu’il vous reste à peine une faible lumière,
Mon âme chez les morts descendra la première ;
Mille chemins ouverts y conduisent toujours,
Et ma juste douleur choisira les plus courts.
Cruelle ! quand ma foi vous a-t-elle déçue ?
Songez-vous qu’en naissant mes bras vous ont reçue ?
Mon pays, mes enfants, pour vous j’ai tout quitté.
Réserviez-vous ce prix à ma fidélité ?

PHÈDRE
Quel fruit espères-tu de tant de violence ?
Tu frémiras d’horreur si je romps le silence.

ŒNONE
Et que me direz-vous qui ne cède, grands dieux !
À l’horreur de vous voir expirer à mes yeux ?

PHÈDRE
Quand tu sauras mon crime et le sort qui m’accable,
Je n’en mourrai pas moins : j’en mourrai plus coupable.
ŒNONE
Madame, au nom des pleurs que pour vous j’ai versés,
Par vos faibles genoux que je tiens embrassés,
Délivrez mon esprit de ce funeste doute.

PHÈDRE
Tu le veux ? lève-toi.

ŒNONE
Tu le veux ? lève-toi. Parlez : je vous écoute.

PHÈDRE
Ciel ! que lui vais-je dire ? et par où commencer ?

ŒNONE
Par de vaines frayeurs cessez de m’offenser.

PHÈDRE
Ô haine de Vénus ! Ô fatale colère !
Dans quels égarements l’amour jeta ma mère !

ŒNONE
Oublions-les, madame ; et qu’à tout l’avenir
Un silence éternel cache ce souvenir.

PHÈDRE
Ariane, ma sœur ! de quel amour blessée
Vous mourûtes aux bords où vous fûtes laissée !

ŒNONE
Que faites-vous, madame ? et quel mortel ennui
Contre tout votre sang vous anime aujourd’hui ?

PHÈDRE
Puisque Vénus le veut, de ce sang déplorable
Je péris la dernière et la plus misérable.

ŒNONE
Aimez-vous ?

PHÈDRE
Aimez-vous ? De l’amour j’ai toutes les fureurs.

ŒNONE
Pour qui ?

PHÈDRE
Pour qui ? Tu vas ouïr le comble des horreurs…
J’aime… À ce nom fatal, je tremble, je frissonne.
J’aime…

ŒNONE
J’aime… Qui ?

PHÈDRE
J’aime… Qui ? Tu connais ce fils de l’Amazone,
Ce prince si longtemps par moi-même opprimé…

ŒNONE
Hippolyte ? Grands dieux !

PHÈDRE
Hippolyte ? Grands dieux ! C’est toi qui l’as nommé !

ŒNONE
Juste ciel ! tout mon sang dans mes veines se glace !
Ô désespoir ! ô crime ! ô déplorable race !
Voyage infortuné ! Rivage malheureux,
Fallait-il approcher de tes bords dangereux !

PHÈDRE
Mon mal vient de plus loin. À peine au fils d’Égée
Sous les lois de l’hymen je m’étais engagée,
Mon repos, mon bonheur semblait être affermi ;
Athènes me montra mon superbe ennemi :
Je le vis, je rougis, je pâlis à sa vue ;
Un trouble s’éleva dans mon âme éperdue ;
Mes yeux ne voyaient plus, je ne pouvais parler ;
Je sentis tout mon corps et transir et brûler :
Je reconnus Vénus et ses feux redoutables,
D’un sang qu’elle poursuit tourments inévitables !
Par des vœux assidus je crus les détourner :
Je lui bâtis un temple, et pris soin de l’orner ;
De victimes moi-même à toute heure entourée,
Je cherchais dans leurs flancs ma raison égarée :
D’un incurable amour remèdes impuissants !
En vain sur les autels ma main brûlait l’encens !
Quand ma bouche implorait le nom de la déesse,
J’adorais Hippolyte ; et, le voyant sans cesse,
Même au pied des autels que je faisais fumer,
J’offrais tout à ce dieu que je n’osais nommer.
Je l’évitais partout. Ô comble de misère !
Mes yeux le retrouvaient dans les traits de son père.
Contre moi-même enfin j’osai me révolter :
J’excitai mon courage à le persécuter.
Pour bannir l’ennemi dont j’étais idolâtre,
J’affectai les chagrins d’une injuste marâtre ;
Je pressai son exil ; et mes cris éternels
L’arrachèrent du sein et des bras paternels.
Je respirais, Œnone ; et, depuis son absence,
Mes jours moins agités coulaient dans l’innocence :
Soumise à mon époux, et cachant mes ennuis,
De son fatal hymen je cultivais les fruits.
Vaines précautions ! Cruelle destinée !
Par mon époux lui-même à Trézène amenée,
J’ai revu l’ennemi que j’avais éloigné :
Ma blessure trop vive aussitôt a saigné.
Ce n’est plus une ardeur dans mes veines cachée :
C’est Vénus tout entière à sa proie attachée.
J’ai conçu pour mon crime une juste terreur ;
J’ai pris la vie en haine, et ma flamme en horreur ;
Je voulais en mourant prendre soin de ma gloire,
Et dérober au jour une flamme si noire :
Je n’ai pu soutenir tes larmes, tes combats :
Je t’ai tout avoué ; je ne m’en repens pas.
Pourvu que, de ma mort respectant les approches,
Tu ne m’affliges plus par d’injustes reproches,
Et que tes vains secours cessent de rappeler
Un reste de chaleur tout prêt à s’exhaler.



Pour voir une interprétation de cette scène
Cliquez sur ce lien :


JEAN DE LA FONTAINE ( 1621 - 1695 )


Jean de la Fontaine est né le 8 juillet 1621 dans la commune de CHATEAU-THIERRY, dans l'AISNE, et enterré à PARIS, au cimetière du Père Lachaise.


L'épitaphe qu'il a choisie lui-même donne de lui l'image d'un paresseux :

Jean s'en alla comme il était venu,
Mangeant son fonds après son revenu ;
Croyant le bien chose peu nécessaire.
Quant à son temps, bien sut le dispenser :
Deux parts en fit, dont il voulait passer
L'une à dormir, et l'autre à ne rien faire.

Pourtant, ce n'est pas l'image d'un paresseux que l'on garde en lisant les dizaines de fables qu'il a écrites et dont il expose la visée dans sa préface à Monseigneur le Dauphin :



A Monseigneur le Dauphin

Je chante les héros dont Esope est le père,
Troupe de qui l'histoire, encor que mensongère,
Contient des vérités qui servent de leçons.
Tout parle en mon ouvrage, et même les poissons:
Ce qu'ils disent s'adresse à tous tant que nous sommes;
Je me sers d'animaux pour instruire les hommes.
Illustre rejeton d'un prince aimé des cieux,
Sur qui le monde entier a maintenant les yeux,
Et qui faisant fléchir les plus superbes têtes,
Comptera désormais ses jours par ses conquêtes,
Quelque autre te dira d'une plus forte voix
Les faits de tes aïeux et les vertus des rois.
Je vais t'entretenir de moindres aventures,
Te tracer en ces vers de légères peintures;
Et si de t'agréer je n'emporte le prix,
J'aurai du moins l'honneur de l'avoir entrepris. 


La ville de Château-Thierry est encore aujourd'hui totalement organisée autour du plus grand fabuliste français.



Les ronds points de la ville sont à l'image de ces fables que beaucoup de Français connaissent par coeur, si ce n'est en entier, du moins la morale qu'elles véhiculent.



La Cigale et la Fourmi
La Cigale, ayant chanté
Tout l'été,
Se trouva fort dépourvue
Quand la bise fut venue :
Pas un seul petit morceau
De mouche ou de vermisseau.
Elle alla crier famine
Chez la Fourmi sa voisine,
La priant de lui prêter
Quelque grain pour subsister
Jusqu'à la saison nouvelle.
"Je vous paierai, lui dit-elle,
Avant l'Oût, foi d'animal,
Intérêt et principal. "
La Fourmi n'est pas prêteuse :
C'est là son moindre défaut.
Que faisiez-vous au temps chaud ?
Dit-elle à cette emprunteuse.
- Nuit et jour à tout venant
Je chantais, ne vous déplaise.
- Vous chantiez ? j'en suis fort aise.
Eh bien! dansez maintenant.
Mais il y en a tellement qu'il est difficile de les citer toutes !

Je tiens cependant à attirer votre attention sur la suivante, qui n'est pourtant pas la plus célèbre, mais qui est si belle et si poétique ! 
C'est presque une philosophie de vie conjugale !


L'AMOUR ET LA FOLIE

              Tout est mystère dans l'Amour,
Ses flèches, son carquois, son flambeau, son enfance :
              Ce n'est pas l'ouvrage d'un jour
              Que d'épuiser cette science.
Je ne prétends donc point tout expliquer ici :
Mon but est seulement de dire à ma manière
              Comment l'aveugle que voici
(C'est un Dieu), comment, dis-je, il perdit la lumière ;
Quelle suite eut ce mal, qui peut-être est un bien ;
J'en fais juge un amant, et ne décide rien.

La Folie et l'Amour jouaient un jour ensemble :
Celui-ci n'était pas encor privé des yeux.
Une dispute vint : l'Amour veut qu'on assemble
              Là-dessus le conseil des dieux ;
              L'autre n'eut pas la patience ;
       Elle lui donne un coup si furieux,
              Qu'il en perd la clarté des cieux.
              Vénus en demande vengeance.
Femme et mère, il suffit pour juger de ses cris :
              Les Dieux en furent étourdis,
              Et Jupiter, et Némésis ,
Et les Juges d'Enfer, enfin toute la bande.
Elle représenta l'énormité du cas :
Son fils, sans un bâton, ne pouvait faire un pas :
Nulle peine n'était pour ce crime assez grande :
Le dommage devait être aussi réparé.
              Quand on eut bien considéré
L'intérêt du Public, celui de la Partie,
Le résultat enfin de la suprême Cour
              Fut de condamner la Folie
              A servir de guide à l'Amour.


Retenons quelques-uns de ses vers devenus proverbes :

·       Tout flatteur vit aux dépens de celui qui l’écoute. 
·       La raison du plus fort est toujours la meilleure. 
·       Plutôt souffrir que mourir, c’est la devise des hommes. 
·       Garde toi, tant que tu vivras, de juger les gens sur la mine. 
·       Il faut autant qu’on peut obliger tout le monde : On a souvent besoin d’un plus petit que soi. 
·       Patience et longueur de temps font plus que force ni que rage. 
·       La méfiance est mère de la sûreté. 
·       Un tiens vaut, ce dit-on, mieux que deux tu l’auras. 
·       Le travail est un trésor. 
·       Rien ne sert de courir ; il faut partir à point. 
·       Selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir. 
·       Tel est pris qui croyait prendre. 

·       Il ne faut jamais vendre la peau de l’ours / Qu’on ne l’ait mis par terre (L'Ours et les deux Compagnons, V, 20)

C'est tout l'esprit de ces fables qui vit 
dans la maison La Fontaine 
qui a été transformée en musée.






Pour aller plus loin, je vous invite à consulter le site officiel du Musée La Fontaine

Mais, fidèle à l'esprit de ce blog,  je ne voudrais pas finir cette modeste rubrique sans quelques images qui relient Jean de la Fontaine au Japon.









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