Bienvenue

Chers amis du monde entier,
Bienvenue sur mon Bloc Nat, un espace de découverte et de partage.
J'ai conçu ce blog comme un mille feuille de mes passions, à la fois musée et bibliothèque virtuels et vivants, que j'ai eu le plaisir de partager avec le public japonais lors de mes interventions à l'Institut Français du Japon à Tokyo pendant 5 ans.
Mon objectif ? Vous communiquer le désir et le plaisir d'apprendre et d'échanger ...au-delà des frontières.

Dear all,
Welcome on my Bloc Nat, a special space for shared discoveries.
I created this blog as a "mille feuille" of my passions, both virtual museum and library during my work at French Institute In Japan, Tokyo, during 5 years. My goal is to inform you of desire and love of learning... beyond borders. Enjoy with me !

Avril 2019 : changement de cap !
Je mets dorénavant toute mon énergie bénévole au service de l'Association Du Mont Brouilly au mont Fuji. Retrouvez mes conseils de lecture sur le site internet de l'association : www.brouilly-fuji.com

April 2019 : I change !
I now put all my volunteer energy into the association Du mont Brouilly au mont Fuji.
Find my reading tips on the website of the association : www.brouilly-fuji.com

See you !

Poésie et chanson françaises

Poésies et chansons françaises sont intimement liées depuis des siècles : des aèdes de l'Odyssée aux chansons à textes de Brel ou Ferré. Poésie mise en musique ou chanson poétique ? Qu'importe, le plaisir est là.
Et ce blog, comme d'habitude, ne se veut pas spécialiste mais simple retranscripteur d'un moment de partage agréable, vécu autour de quelques grands textes, au club lecture de l'Institut Français de Tokyo.


Bernard Lavilliers chante Cendrars
Le Figaro.fr
Article du 4 décembre 2013



LE FIGARO. - Qu'est-ce qui vous a séduit dans la poésie de Cendrars ?
Bernard LAVILLIERS. - Je l'avais découvert adolescent, à travers des poèmes flash, des images qui claquaient, celles de Feuilles de route: «Iles inoubliables et sans nom/ Je lance mes chaussures par-dessus bord car je voudrais bien aller jusqu'à vous». La bourlingue, déjà, celle qui m'attirait. Avec Blaise, on est dans l'action, c'est ce qui m'a d'emblée fasciné. Aragon, que j'aime aussi, prenait plutôt des détours «poéteux». Avec la mise en musique de La Prose du Transsibérien, vaste poème mécanique et cinématographique, c'est un vieux rêve qui se réalise. Comme moi, Blaise n'aimait pas les contraintes et les clans ; il respectait les marginaux. Depuis, il m'est devenu un «vieux comparse», comme je le dis dans Y'a pas qu'à New York. Auparavant, j'avais enregistré Tu es plus belle que le ciel et la mer, qui s'ouvre ainsi: «Quand tu aimes il faut partir». Blaise était sensible et brutal, à mon image. Il s'est mis en danger. Sa vie a rejoint sa poésie.
Que peut apporter la chanson à la poésie?
J'ai déjà adapté Apollinaire, Aragon (Est-ce ainsi que les hommes vivent?),Tristan TzaraBaudelaire(Les Promesses d'un visage)… Le chanteur a un rôle déterminant de passeur. Hugo le disait déjà. Il se doit de faire connaître les grands textes. Nous sommes les derniers passeurs. Les comédiens qui lisent de la poésie en font des tonnes, surjouent. Ils desservent les poèmes. Pour ma part, j'ai bien retenu la leçon de Léo Ferré, que j'ai côtoyé à partir de 1976, j'avais alors trente ans. Léo qui disait: «Le désespoir est une forme ­supérieure de la critique. Pour le ­moment, nous lŽappellerons “bonheur”.» Ce bonheur-là passe aussi par la poésie et la chanson.
Pour le compositeur, le poème est-il essentiel ou accessoire?
C'est une source, une fontaine inépuisable. Je lis beaucoup de poésie. Elle me nourrit. J'en lis sur scène, entre deux chansons. Je garde précieusement une édition originale et numérotée des Fleurs du mal… Vous connaissez cette fulgurance de René Char: «La lucidité est la blessure la plus rapprochée du soleil»? (Il cite ensuite par cœur un poème de Valéry.) Le poète et le chanteur, et ce depuis les troubadours, sont à la fois Vulcain et Orphée: la forge et la lyre. Ils ont en commun l'amour de la beauté rythmique, des mots et de la liberté. Leur leçon est: «Retiens le poème qu'on te dit!» Et qu'on te chante…
Blaise Cendrars  ( 1887 – 1961 )

Tu es plus belle que le ciel et la mer est un des premiers poèmes du recueil Feuilles de route.

Quand tu aimes il faut partir 
Quitte ta femme quitte ton enfant 
Quitte ton ami quitte ton amie 
Quitte ton amante quitte ton amant 
Quand tu aimes il faut partir 

Le monde est plein de nègres et de négresses 
Des femmes des hommes des hommes des femmes 
Regarde les beaux magasins 
Ce fiacre cet homme cette femme ce fiacre 
Et toutes les belles marchandises 

II y a l’air il y a le vent 
Les montagnes l’eau le ciel la terre 
Les enfants les animaux 
Les plantes et le charbon de terre 

Apprends à vendre à acheter à revendre 
Donne prends donne prends 

Quand tu aimes il faut savoir 
Chanter courir manger boire 
Siffler 
Et apprendre à travailler 

Quand tu aimes il faut partir 
Ne larmoie pas en souriant 
Ne te niche pas entre deux seins 
Respire marche pars va-t’en 

Je prends mon bain et je regarde 
Je vois la bouche que je connais 
La main la jambe l’œil 
Je prends mon bain et je regarde 

Le monde entier est toujours là 
La vie pleine de choses surprenantes 
Je sors de la pharmacie 
Je descends juste de la bascule 
Je pèse mes 80 kilos 
Je t’aime


Pierre Ronsard ( 1524 - 1585 )


Ode à Cassandre


Mignonne, allons voir si la rose
Qui ce matin avait déclose
Sa robe de pourpre au soleil,
A point perdu cette vêprée
Les plis de sa robe pourprée,
Et son teint au vôtre pareil.
Las ! Voyez comme en peu d'espace,
Mignonne, elle a dessus la place,
Las ! Las ! ses beautés laissé choir !
O vraiment marâtre Nature,
Puisqu'une telle fleur ne dure
Que du matin jusques au soir !
Donc, si vous me croyez, mignonne,
Tandis que votre âge fleuronne
En sa plus verte nouveauté,
Cueillez, cueillez votre jeunesse :
Comme à cette fleur, la vieillesse
Fera ternir votre beauté.

1550



Quand vous serez bien vieille


Quand vous serez bien vieille, au soir à la chandelle,
Assise auprès du feu, dévidant et filant,
Direz chantant mes vers, en vous émerveillant :
"Ronsard me célébrait du temps que j'étais belle."

Lors vous n'aurez servante oyant telle nouvelle,
Déjà sous le labeur à demi sommeillant,
Qui au bruit de Ronsard ne s'aille réveillant,
Bénissant votre nom de louange immortelle.

Je serai sous la terre, et fantôme sans os
Par les ombres myrteux je prendrai mon repos ;
Vous serez au foyer une vieille accroupie,

Regrettant mon amour et votre fier dédain.
Vivez, si m'en croyez, n'attendez à demain :
Cueillez dès aujourd'hui les roses de la vie.

Sonnets pour Hélène, 1578


FRANÇOISE HARDY




JULIETTE GRECO

Ce même thème a été repris par Juliette GRECO sur un texte de Raymond QUENEAU

Si tu t'imagines
si tu t'imagines
fillette fillette
si tu t'imagines
xa va xa va xa
va durer toujours
la saison des za
la saison des za
saison des amours
ce que tu te goures
fillette fillette
ce que tu te goures



Si tu crois petite
si tu crois ah ah
que ton teint de rose
ta taille de guêpe
tes mignons biceps
tes ongles d'émail
ta cuisse de nymphe
et ton pied léger
si tu crois petite
xa va xa va xa va
va durer toujours
ce que tu te goures
fillette fillette
ce que tu te goures


les beaux jours s'en vont
les beaux jours de fête
soleils et planètes
tournent tous en rond
mais toi ma petite
tu marches tout droit
vers sque tu vois pas
très sournois s'approchent
la ride véloce
la pesante graisse
le menton triplé
le muscle avachi
allons cueille cueille
les roses les roses
roses de la vie


et que leurs pétales
soient la mer étale
de tous les bonheurs
allons cueille cueille
si tu le fais pas
ce que tu te goures
fillette fillette
ce que tu te goures

Raymond Queneau, L'instant fatal



Le vocabulaire poétique nous rappelle les liens étroits qui existent entre poésie et chanson.

Une ode est un poème destiné à être chanté.

Une épopée est un long poème racontant des aventures héroïques que les aèdes récitaient et chantaient.

Un rondeau désigne à la fois une forme musicale, une danse traditionnelle de Gascogne et un poème.

Une ballade est un poème lyrique d'origine chorégraphique, d'abord chanté.


Georges Brassens notamment rendit ce genre célèbre en mettant en musique un poème de François Villon.




Ballade des dames du temps jadis


Dites moi où, n'en quel pays 
Est Flora la belle Romaine, 
Archipiades, né Thaïs 
Qui fut sa cousine germaine, 
Écho parlant quand bruit on mène 
Dessus rivière ou sur étang 
Qui beauté eu trop plus qu'humaine. 
Mais ou sont les neiges d'antan? 
Qui beauté eu trop plus qu'humaine. 
Mais ou sont les neiges d'antan? 

Ou est la très sage Hélloïs, 
Pour qui châtré fut et puis moine 
Pierre Esbaillart a Saint Denis? 
Pour son amour eu cette essoine. 
Semblablement, ou est la reine 
Qui commanda que buridan 
Fut jeté en un sac en Seine? 
Mais ou sont les neiges d'antan? 
Fut jeté en un sac en Seine? 


Mais ou sont les neiges d'antan? 

La reine blanche comme lis 
Qui chantait a voix de sirène, 
Berte au grand pied, Bietrix, Aliz 
Harembourgis qui tient le Maine, 
Et Jeanne la bonne Lorraine 
Qu'Anglais brûlèrent a Rouen; 
Où sont ils Vierge souveraine? 
Mais où sont les neiges d'antan? 
Où sont ils Vierge souveraine? 
Mais où sont les neiges d'antan? 

Prince, n'enquérez de semaine 
Ou elles sont, ne de cet an, 
Que ce refrain ne vous remaine: 
Mais ou sont les neiges d'antan? 
Que ce refrain en vous remaine; 
Mais ou sont les neiges d'antan?




Poésies et chansons évoquent des thèmes fondamentaux et peu nombreux finalement comme le rappelle avec justesse Brassens dans le documentaire ci-dessous.





L'amour, La mort, La fuite du temps, Dieu, La nature





La poésie est par définition un jeu de sonorités lexicales et peut être mise en musique avec le succès que nous avons vu.


C'est donc un cycle vertueux qui se crée entre poésie et chanson : la poésie peut devenir chanson mais la chanson peut aussi devenir poésie quand elle est écrite par des "chanteurs à texte" comme Georges Brassens, Jacques Brel, Léo Ferré, Barbara, ou encore Jacques Prévert et Charles Trenet.




De même, force est de constater qu'un poème mis en musique appartient autant au poète qui l'a créé qu'au compositeur qui l'a "mélodié" ou à l'interprète qui l'a chanté.

Observons par exemple comment Serge Gainsbourg s'est totalement projeté dans le poème de Baudelaire, occasion pour lui de mettre en scène sa propre muse que fut Jane Birkin.


BAUDELAIRE / GAINSBOURG  Le serpent qui danse

Que j'aime voir, chère indolente,
            De ton corps si beau,
Comme une étoffe vacillante,
            Miroiter la peau !

Sur ta chevelure profonde
            Aux âcres parfums,
Mer odorante et vagabonde
            Aux flots bleus et bruns,


Comme un navire qui s'éveille
            Au vent du matin,
Mon âme rêveuse appareille
            Pour un ciel lointain.

Tes yeux où rien ne se révèle
            De doux ni d'amer,
Sont deux bijoux froids où se mêlent
            L’or avec le fer.

A te voir marcher en cadence,
            Belle d'abandon,
On dirait un serpent qui danse
            Au bout d'un bâton.

Sous le fardeau de ta paresse
            Ta tête d'enfant
Se balance avec la mollesse
            D’un jeune éléphant,

Et ton corps se penche et s'allonge
            Comme un fin vaisseau
Qui roule bord sur bord et plonge
            Ses vergues dans l'eau.

Comme un flot grossi par la fonte
            Des glaciers grondants,
Quand l'eau de ta bouche remonte
            Au bord de tes dents,

Je crois boire un vin de bohême,
            Amer et vainqueur,
Un ciel liquide qui parsème


D’étoiles mon cœur !





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