Pour que tu ne te perdes pas dans le quartier
de Patrick Modiano
Ce titre semble nous conduire dans un univers enfantin...à moins que ce ne soit plutôt celui de la mémoire flottante d'une vieillesse inéluctable...
Modiano aborde une fois encore, dans ce roman, des thèmes qui lui sont chers : le temps qui passe, l'importance des origines, l'amour maternel, la mémoire.
Qui est donc ce Jean Daragane que les sonneries d'un téléphone insistant semblent sortir d'une torpeur atemporelle ?
"J'aimerais parler à M. Jean Daragane."
Une voix molle et menaçante. Ce fut sa première impression.
Daragane voulut raccrocher. Mais à quoi bon ? Les sonneries reprendraient, sans jamais s'interrompre. Et, à moins de couper définitivement le fil du téléphone...
"Lui-même.
- C'est au sujet de votre carnet d'adresses, monsieur."
De cette conversation qui pourrait être anodine, émane une ambiance mystérieuse, digne d'un roman policier, qui nous dirige vers des questionnements multiples que Modiano alimente à chaque page avec brio.
Qui est Daragane ? Un résistant, un trafiquant, un meurtrier ?
Qui est Gilles Ottolini ? Un truand, un journaliste, un maître chanteur ?
Qui est Chantal Grippay ? Qui se cache derrière ce nom d'emprunt ? L'ombre d'un passé que le héros voudrait avoir oublié ?
Qui est Guy Torstel ?
" Il y a quelqu'un dont j'ai trouvé le nom dans votre carnet d'adresses. J'aimerais que vous me donniez des renseignements sur lui..."
Le ton était devenu plus humble.
"Excusez mon indiscrétion...
- De qui s'agit-il ?" demanda Daragane à contrecoeur.
IL éprouvait brusquement le besoin de se lever et de marcher à pas rapides vers la porte ouverte sur le boulevard Haussmann. Et de respirer à l'air libre.
"D'un certain Guy Torstel."
Il avait prononcé le prénom et le nom en articulant bien les syllabes, comme pour éveiller la mémoire assoupie de son interlocuteur.
"Vous dites ?
- Guy Torstel."
Daragane sortit de sa poche le carnet d'adresse et l'ouvrit à la lettre T. Il lut le nom, tout en haut de la page, mais ce Guy Torstel n'évoquait rien pour lui.
Le téléphone sonne ensuite au début de chaque chapitre comme pour nous aider, nous, lecteurs, à reconstituer en même temps que Daragane, tous les éléments du puzzle de sa vie.
Et vient enfin la vraie question : qui est Annie Astrand ?
Un seul nom provoquait son trouble et avait pour lui l'effet d'un aimant : Annie Astrand. Une voix lointaine captée très tard à la radio et dont vous vous dites qu'elle s'adresse à vous pour vous transmettre un message. Quelqu'un lui avait affirmé un jour que les voix de ceux dont vous avez été proche dans le passé, vous les oubliez très vite. Pourtant, s'il entendait aujourd'hui la voix d'Annie Astrand derrière lui, dans la rue, il était certain qu'il la reconnaîtrait.
Laissez-vous emporter par cette énigme qui se noue au fil des pages, laissez-vous envahir par ce drame qui se rejoue sur le fil de la mémoire. Vous n'aurez pas la réponse à toutes vos questions, mais qu'importe ! Vous y rencontrerez Modiano, le grand Modiano.
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